Chroniques Film

« Jimi : All Is By My Side »

Annoncé en 2012, tourné en 2013 mais quasiment invisible en 2014, Jimi : All is By My Side, le premier biopic de Jimi Hendrix, se matérialise sous la forme d’un DVD/Blu-ray en 2015. Longtemps relégué au rayon des fantasmes du cinéma rock (on se souvient de projets fantaisistes impliquant Eddie Murphy ou Prince dans les années 1980), le long-métrage écrit et réalisé par John Ridley, scénariste de 12 Years a Slave, situe son pitch à Londres, entre l’arrivée du gaucher cherokee en septembre 1966 et la veille de son départ pour le festival de Monterey, en juin 1967. André Benjamin (alias André 3000, alias la moitié d’OutKast) incarne Jimi James/Hendrix, les photogéniques Imogen Poots et Hayley Atwell interprètent respectivement Linda Keith et Kathy Etchingham, les girlfriends historiques du guitariste. Parmi les seconds rôles, Andrew Buckley joue celui de Chas Chandler, bassiste des Animals et contributeur décisif de l’ascension météorique du Voodoo Child. On aperçoit aussi brièvement Keith Richards, Eric Clapton et les Beatles aux détours de sosies de qualité aléatoire. Un casting dominé par André Benjamin, qui duplique de manière convaincante les maniérismes vocaux, la distance lunaire et la gestuelle scénique d’un Hendrix en route vers la gloire. Autant l’avouer à ce point de la chronique : sa performance constitue le seul intérêt de l’entreprise.

D’entrée, la séquence d’ouverture de Jimi : All Is by My Side anticipe la place secondaire que la musique occupe dans le film : Jimi James accompagne Curtis Knight dans un club New-yorkais, mais le son de sa guitare est sous-mixé à en devenir presque inaudible. Dès les premières minutes d’un long-métrage qui en comporte 112, l’angle choisi par John Ridley désarçonne également le spectateur/fan en privilégiant d’interminables conversations de canapé mystico-métaphysiques entre Hendrix et ses conquètes/muses au détriment de la flamboyance scénique et instrumentale du pyromane de Stratocasters. Et si la licence artistique autorise John Ridley à plonger un personnage iconique de la pop culture au centre d’une intrigue romancée, son traitement souffre de longueurs exténuantes et, surtout, d’une absence totale de point de vue sur son sujet principal. Quand, par exemple, Last Days, le faux-biopic de Kurt Cobain réalisé par Gus Van Sant, distillait l’ambiance mortifère des chansons de Nirvana dans une mise en scène sombre et contemplative, Jimi : All Is by My Side dilue la personnalité, la facette créative et le parcours unique de Jimi Hendrix dans une suite de vignettes extra-musicales à l’intérêt limité.

L’ajout d’images d’archives, de l’immolation de moines tibétains à une apparition des Who au Beat Club, ajoute aussi à la confusion en mélangeant des faits historiques à des éléments purement fictifs, à commencer par une scène Scorsesienne de tabassage à coups de combiné téléphonique capable de faire passer Ike Turner ou le James Brown de Get On Up pour des militants des Chiennes de garde. Kathy Etchingham, victime imaginaire de cette séquence de violence domestique, a d’ailleurs vigoureusement contesté cette interprétation.

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André Benjamin et Oliver Bennett (Noel Redding) dans Jimi : All Is By My Side

La musique est l’autre victime collatérale du film : on savait que les héritiers du clan Hendrix n’avaient pas autorisé l’inclusion de titres originaux d’Are You Experienced aux producteurs du long-métrage. La bande-son de Jimi : All Is by My Side alterne blues traditionnels, morceaux sixties (Bob Dylan, Spencer Davis Group, Pentangle, Small Faces…) et reconstitutions proto-Hendrixiennes de « Killing Floor », « Wild Thing » et « Sgt. Pepper’s Lonely Hearts Club Band » interprétées par un trio de valeureux sessionmen bien connus des amateurs de soft-rock 70 : Waddy Watchel (guitare), Leland Sklar (basse) et Kenny Aronoff (batterie). Hélas, si leur jeu reproduit fidèlement le son de l’Experience, le grain contemporain du mixage les fait davantage sonner comme un tribute band emmené par Lenny Kravitz.

Décevant à tous points de vue, Jimi : All Is by My Side est aujourd’hui sanctionné par le sceau infamant d’une sortie straight to video, en attendant, sans doute, une future biographie officielle commanditée par les détenteurs du catalogue Hendrixien.

Jacques Trémolin

Jimi : All Is by My Side * (Curzon Home Cinema). DVD/Blu-ray disponible en import UK le 26 janvier. Sortie française DVD/Blu-ray en mai (Universal Pictures Video).

2 Commentaires

  • Le fiasco était annoncé dès les prémices du projet. Le biopic sur James est un poil meilleur, m’enfin, rien de folichon non plus. Toujours de fausses bonnes idées ces films-wikipedia.