Interview

Allen Stone « Je ne crois qu’à la scène »

Inconnu virtuel il y a encore quelques mois, Allen Stone publie aujourd’hui un deuxième LP éponyme 100% soulful et donne des concerts extatiques aux quatre coins du globe. Découverte d’une révélation.

Funk★U : Qui êtes-vous, Allen Stone ?

Allen Stone : Je suis un chanteur soul originaire de l’est de l’État de Washington. Mon père était  pasteur et je chantais dans sa chorale à l’église. J’ai découvert la soul à l’âge de 15 ans grâce à Innervisions de Stevie Wonder, et cet album m’a ouvert des portes vers Donny Hathaway, Al Green, Aretha Franklin et toute la soul des années 1960-1970. Mes parents étaient très stricts et je n’avais pas le droit d’écouter de la musique profane à la maison. Je suis parti de chez moi à 19 ans pour Seattle avec ma guitare et j’ai donné plein de concerts dans des clubs, des bars, des salles à manger, des cafétérias de facs, partout où on voulait bien de moi. Après ça, tout s’est enclenché naturellement.

Personne ne vous connaissait il y a encore quelques mois et vous voici en tournée mondial et signé chez Universal. Comment expliquez-vous votre reconnaissance soudaine ?

Beaucoup de gens m’ont découvert sur Internet grâce à la vidéo d »’Unaware » que j’ai filmée dans le living-room de ma mère. C’est comme ça que je me suis retrouvé dans les shows TV de Conan O’Brien et Jimmy Kimmel. J’ai une théorie personnelle sur American Idol et The Voice : le public qui regarde ces émissions ne se lèvera jamais de son canapé pour acheter une place de concert. Mes meilleurs fans sont ceux qui viennent à mes concerts grâce au bouche- à-oreille, ceux qui supportent la musique live.

Allen Stone est votre deuxième album après Last to Speak (2010). Quelles sont les différences entre ces deux disques ?

le premier album est aussi dans un style R&B, mais les musiciens qui jouaient dessus n’étaient pas forcément des musiciens R&B. Le son était aussi plus folk, un peu dans le genre de Ray Lamontagne. J’ai enregistré ces chansons il y a quatre ans et je ne suis plus le même musicien aujourd’hui.

En concert à Paris (La Maroquinerie) le 03/12/2012

Vos concerts sont aussi plus énergiques que vos enregistrements.

J’ai toujours voulu que mes concerts soient plus funky que mes disques. C’est toujours très difficile de restituer l’énergie du live sur un album. Le concert de Paris en décembre dernier était le 71ème de la tournée, et j’en ai donné plus de 220 en 2012. Je passe plus de temps sur scène qu’en studio ou derrière une caméra à enregistrer des vidéos pour YouTube car je ne crois en rien d’autre qu’à la scène. Je n’ai pas confiance aux studios à cause de gadgets comme l’Auto-Tune, les copier-collers, les boucles ou la technologie en général. Et je ne peux pas non plus acheter un album que si j’ai vu quelqu’un se servir d’un micro, d’une guitare pour jouer de la musique. Si tu n’arrives pas à le faire sur scène, autant rester chez soi.

Sur scène, votre attitude est très spirituelle et vous communiquez de façon intense avec le public. Est-ce le résultat de votre background religieux ?

Oui, ça vient de l’église. J’ai commencé par chanter dans des cérémonies où chacun doit prier avec toi. Il faut communiquer d’une certaine manière pour y arriver, faire sortir les gens de leurs coquilles et c’est ce que j’essaye de faire chaque soir. Tu es le MC de la soirée, et je suis étonné de constater que certains performers n’y pensent pas toujours lorsqu’ils montent sur scène. Je suis très proche de Sharon Jones et elle a complètement modifié mon approche scénique depuis l’an dernier. Elle vient d’un autre monde et elle m’a fait découvrir le pouvoir du micro.

Quelle est la signification de votre chanson   »Contact Eye » ?

C’est une chanson sur les réseaux sociaux qui ne le sont plus vraiment, sur la dépendance aux smartphones et à l’Internet. Et je suis le premier visé, car je me suis déjà retrouvé en train de communiquer avec 500 personnes en même temps au lieu de parler à quelqu’un qui se trouvait juste à côté de moi. Ma génération est comme ça, elle a oublié le sens du contact visuel. Pendant mes concerts, je vois des gens brandir des caméras et j’ai envie de leur dire : Vous regardez le concert dans un écran de 5 centimètres sur 3. Posez votre téléphone et vivez le truc ! Ces fichiers vont disparaître, mais pas vos souvenirs.

Propos recueillis par Christophe Geudin et Vincent Voltzenlugel

Allen Stone Allen Stone, sortie le 26 février (Decca/Universal).
En concert à la Flèche d’or à Paris le 11 mars.

Allen Stone « Sleep » from FUNK★U on Vimeo.