Révélé au grand public à la faveur de ses collaborations avec Kendrick Lamar ou Erykah Badu, Steve Bruner alias Thundercat mène depuis 2011 une carrière solo sous le patronage de son mentor Flying Lotus. Super Saiyan de la basse six cordes, le félin combine la virtuosité d’un Stanley Clarke et le falsetto éthéré d’un George Duke. Le tout augmenté d’un talent de composition qui lui permet, à l’instar d’un Donald Fagen, de donner l’illusion de l’évidence aux mélodies les plus savantes.
Dans Drunk, son troisième album, le bassiste fait preuve d’un éclectisme foisonnant alternant grooves funky (« Them Changes »), sonorités electro (le tubesque « Friend Zone ») et pur jazz-fusion (« Uh Uh »). Dans ses moments les plus introspectifs, Bruner s’emploie également à tisser des harmonies complexes soulignées par des arpèges jazzy parfois accompagnés d’un beat discret (« Jethro »). Ce qui ne l’empêche pas d’exprimer par ailleurs son esprit potache (le délirant « Stupido « ) ou sa passion pour la culture geek via des sonorités 16-bits (le trio « Blackkk », « Tokyo » et « Jameel’s Space Ride »). L’ensemble évoque la douceur d’une brise californienne, surtout quand il est question de flirter avec la pop psychédélique d’un Brian Wilson (« Bus In These Streets ») ou d’inviter les vedettes du soft-rock Michael McDonald et Kenny Loggins le temps d’un détour par la case eighties (« Show You The Way »). Un plaisir d’écoute toutefois légèrement émoussé par la structure peu conventionnelle de l’ensemble (23 titres dont la durée moyenne ne dépasse pas les deux minutes 30).
Avec Drunk, Thundercat affirme sa position de figure incontournable sur la très créative scène de Los Angeles. Une place qu’il partage avec ses comparses du collectif West Coast Get Down et du label Brainfeeder au carrefour du hip-hop, du jazz et de l’électro.
Adrien Kras
Thundercat Drunk ****(Brainfeeder/Ninja Tune). Disponible le 24 février. En concert à Reims (La cartonnerie) le 29 mars et à Paris (Trabendo) le 30 mars.