Plus qu’un prénom, une promesse. De son minois câlin, sa voix cristalline, ses doigts agiles, la bassiste Esperanza Spalding incarne à 27 ans, l’espoir du Jazz. Quatre albums studio en six ans, Prince et Barack Obama en fans number one : on a connu pire CV. Pourtant, pas besoin de batailler dur, ou de renifler le marché noir pour assister au show estival de la féline américaine. En ce samedi au ciel capricieux, sous la serre du chapiteau de Marciac, les déserteurs se sont donné le mot. Sans doute rassasiés par le set explosif clôturé quelques minutes plus tôt par Joshua Redman, saxophoniste aux trois poumons, les festivaliers, feutre blanc sous le bras, sont rapidement retournés siroter leur mousse en terrasse. Ils apprendront plus tard qu’ils ont sans doute snobé le plus merveilleux concert de la quinzaine.
Avec Radio Music Society, opus métissé sorti en mars dernier, Esperanza Spalding a levé le voile sur ses ambitions : sortir le Jazz de son ornière. A grand coup de Soul, de Pop et de rythmiques latines. Pour convaincre l’audience de Marciac, réputée tatillonne, l’enfant chérie de Portland, afro gonflée à l’hélium, a sorti ses plus beaux atouts : une quatre cordes lourdement amplifiée, une section de cuivres grand format, le sourire moqueur du batteur Lyndon Rochelle martyrisant son tom basse, et surtout, des mélodies imparables. Rondement ciselées.
La muse s’amuse
Pendant près de deux heures, la muse sur talons hauts s’amuse à revisiter la tracklist de son dernier album, rallongeant à l’envi, à la voix, les intro (superbe « Crowned & Kissed »), jonglant avec malice entre sa basse, veloutée sur l’euphorisant « Black Gold », et sa contrebasse, partenaire le plus fidèle quand les lumières baissent un peu le regard. « Hold On Me », « Cinnamon Tree »… Dans une atmosphère feutrée, quasi-sensuelle, le jazz intimiste reprend tranquillement le contrôle, les chorus gagnent en précision, en clarté. Un calme très éphémère. Sans même une respiration, claquent les premières notes du sulfureux « I Can’t Help It », son groove insolent talonné de près par « Endangered Specie »s, chef-d’œuvre de musique fusion, emprunté au maitre Wayne Shorter, qu’Esperanza transforme, belle citoyenne de son temps, en manifeste écologique.
Avant même les envies de rappel, le titre « Radio Song » fait se lever d’un même bond les 4000 convives qui subitement pressent leur pas, pour se coller en bord de scène, accompagnant d’un falsetto maladroit le swing de cette belle d’un soir. « Now if you want to, sing it loud, with love, with love in your heart ». C’est réussi, les cœurs sont pleins. Hélas, le rideau tombe. La scène se vide. Alors les corps se lâchent. Et des cris s’échappent. Oui, elle reviendra. Par trois fois. Epaulée par son bourreau de batteur, Miss Spalding dévoile un show case acoustique, imprévu, l’indispensable contrebasse sous le bras. Puis, elle repartira, il faut bien, le visage pailleté d’émotion. Goodbye Esperanza. Plus qu’un prénom, une promesse. Mille fois tenue.
Mister Moon
superbe review, ça m’a rappelé son passage à Vienne
Tout à fait d’accord avec le commentaire précédent! Excellente review à la hauteur de ce que le concert a du
être.
Et chapeau aussi au photographe pour ce superbe cliché! En même temps, Esperanza est tellement photogénique…
Concert pour le coup décevant par rapport à ce qu’elle avait proposé il y a 2 ans au même endroit … il aurait surtout fallu un peu moins de vocalises inutiles, de discours sur les petits oiseaux, les arc-en-ciel et les bébés entre les morceaux, monter un peu le son de la guitare de Jeff Lee Johnson et de lui accorder un peu plus que 2 solos de 30 secondes, et le concert aurait pu être pas mal, même si la volumineuse coupe afro ne suffit pas à couvrir l’énorme melon (de Lectoure biensur) duquel sort pourtant de belles idées musicales.
Après BAd Plus et Redman qui ont tout explosé juste avant, la prestation de Spalding a paru bien molle et surtout très agaçante ! (une erreur de programmation, alors, peut-être)
franchement pas d’accord avec l’avis précédent, même si ses discours à rallonge entre chaque morceau m’ont un peu agacé, même chose. Le son n’était pas optimum mais les variations vocales étaient superbes (quand même très nombreuses) après je comprends que ça puisse en énerver certains. Puis faudrait arrêter de comparer ce qui ne l’est pas, bad plus et redman, c’était du pur jazz, et franchement j’ai été bluffé par leur prestation mais pas emballé musicalement. là avec esperanza spalding, on a plus assisté à un concert pop matiné de jazz, frais et souriant, malgré la salle complètement éteinte (faut dire il était plus de 23h). Beau concert même si les imperfections étaient là.
je ne sais pas ce qu’est le « pur » jazz, mais à mon avis le jazz ne se trouve pas dans une quelconque « ornière » comme le dit l’article (redman et ses comparses l’ont prouvé, si besoin était, dans cette même soirée) ; l’article me semblait un peu trop enflammé à propos d’ Esperenza Spalding. (meilleur concert de la quinzaine ? barack obama est fan ? le public de marciac « tatillon », « feutre sous le bras », qui « snobe » le concert de Spalding ?…)
je ne suis pas un assidu du festival de marciac..je ne me souviens pas d’avoir assisté à un concert avec un public aussi irrespectueux des artistes et du public présents ce soir là…si c’est çà « l’esprit jazz » à Marciac..les gens se lèvent,quitent la salle,reviennent avec leur boissons..s’interpellent,vont fumer leur clope..donc à mon avis le débat doit se faire sur le comportement du public..en tout cas, le déroulement de cette soirée ne me donne pas envie de revenir à JAZZ IN MARCIAC!