À défaut d’une édition Deluxe célébrant en 2014 les 30 ans du combo film/album Purple Rain, Alan Light, journaliste à Rolling Stone, Spin et Vibe revient sur le phénomène pop qui balaya l’été 1984. Basé sur des entretiens de première main en compagnie de Wendy Melvoin, Lisa Coleman, Matt Fink, Bobby Z., Jill Jones et du tour manager Alan Leeds, Let’s Go Crazy, Prince and the Making of Purple Rain décrit de l’intérieur le quotidien de The Revolution, des prémices d’un projet fou à la dépression post-succès en passant par le zénith de la Princemania.
Qui aurait bien pu miser sur un long-métrage réalisé au fin fond du Minnesota par un réalisateur débutant (Albert Magnoli) avec pour vedette une popstar semi-inconnue du grand public et un casting d’acteurs en grande partie non-professionnels ? L’enquête d’Alan Light, qui a rencontré Prince plusieurs fois au cours des années 1990 et 2000, insiste à juste titre sur l’importance du tandem Cavallo-Fargnoli, alias la spaghetti connection, et leur pouvoir de persuasion que n’aurait pas renié les personnages de la saga sicilienne de Coppola. Une fois tombées les portes d’Hollywood, Let’s Go Crazy décrit un difficile tournage hivernal dans des conditions climatiques extrêmes compensé par la dynamique collective choisie par Prince au profit des membres de The Revolution. Un des rares moments d’ouverture d’une carrière marquée par un individualisme forcené, et aussi l’occasion de rares épanchements personnels racontés par Susannah Melvoin et l’ingénieure du son Susan Rogers. Une source de tension également : le livre rapporte les différents irréconciliables entre Prince et un Morris Day sous influence, sans oublier les clivages personnels à l’intérieur de The Revolution, notamment lors de l’arrivée de Wendy à la place de Dez Dickerson. Les dernières semaines de la gigantesque tournée Purple Rain sont aussi l’objet de pages relatant l’épuisement moral et physique du groupe, et surtout l’impossibilité pour son leader de reproduire un momentum identique lors de la suite de sa carrière (« après Purple Rain, Prince n’a pas su allier son art, son besoin de promotion et sa célébrité », observe Lisa Coleman).
Tout en soulignant l’importance de l’album et en faisant preuve d’objectivité sur les nombreux défauts du long-métrage, Alan Light resitue la saga Purple Rain dans son contexte historique, celui de l’Amérique d’un Ronald Reagan obsédé par la – vraie- guerre des étoiles, d’une Amérique à la scène pop où les rivaux du kid Minnéapolitain ont pour nom Michael Jackson et Bruce Springsteen (rapprochements pertinents entre les trajectoires siamoises de Purple Rain et Born in the USA) et une Amérique glam où Prince a crée ses propres codes musicaux, vestimentaires et même capillaires (« On a détruit la couche d’ozone ! », s’amuse encore Lisa Coleman). Dig if U will the picture…
Jacques Trémolin
Alan Light Let’s Go Crazy, Prince and the Making of Purple Rain *** (Atria Books) 300 pages. Disponible uniquement en anglais.