Le créateur du blufunk publie son premier recueil live, Alive & Kicking, en attendant un nouvel album studio prévu pour 2026.
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Funk★U : Alive & Kicking, votre nouvel album, est un disque live d’un genre particulier. Quel est son concept ?
Keziah Jones : depuis le début de ma carrière, j’avais envie de publier un album live. J’y pense depuis des années, car on m’a souvent dit que c’était la meilleure manière d’écouter ma musique : sur scène. Le problème, c’est que c’est difficile d’enregistrer un album live, mais Lagos a servi de déclencheur à ce projet. Aujourd’hui, on y trouve beaucoup plus de studios et l’industrie du disque marche beaucoup mieux. Mon groupe voulait aussi jouer à Lagos, car nous en parlions tout le temps entre nous et ils n’y étaient jamais encore allés. Du coup, j’ai combiné les deux idées et nous avons enregistré un concert à Lagos, au club Clout Africa, puis je suis allé ensuite à Londres pour ajouter quelques voix et des parties de guitare. Au final, Alive & Kicking est un album live avec quelques parties enregistrées en studio.
C’est aussi un album live sans public. Pourquoi ?
Au départ, nous avions enregistré deux titres en studio avec un public, « The Funderlying Undermentals » et « Trouble Sleep », une reprise de Fela, mais elles ne sont pas sur l’album. Nous avions aussi eu l’idée de réunir du public dans un studio à Paris, mais nous ne nous y sommes pas parvenus pour des questions de logistique.
Il y a 15 titres puisés dans toute votre discographie dans cet album. Comment avez-vous effectué la sélection ?
Certaines chansons comme « Dear Mr. Cooper », « Funk ’N’ Circumstance », « Kpafuca » et certains titres d’African Spacecraft, et bien sûr « Rhythm Is Love », « Emily » fonctionnent bien sur scène. On retrouve ce genre de titres live très accrocheurs dans l’album, mais je voulais aussi que le public les écoute avant tout comme des chansons. Je pense à « Femiliarise », par exemple. L’idée était de réunir les deux.
« Where’s Life? », un de vos titres les plus emblématiques, manque cependant à l’appel. Pourquoi ?
Tout simplement parce que nous n’avons pas réussi à en enregistrer une version satisfaisante.
Il y a une reprise dans Alive & Kicking : « Below the Funk (Pass the J) » de Rick James. Pourquoi ce choix ?
Je l’ai choisie, mais j’ai changé sa ligne de basse en la remplaçant par celle de « Thank You (Falletinme Be Mice Elf Agin) » de Sly and the Family Stone, comme nous le faisons quand nous la jouons sur scène. « Below the Funk (Pass the J) » est une chanson tirée de Street Songs, qui m’a beaucoup marqué à l’époque et qui a toujours été une influence majeure pour moi. Tous les titres de cet album sont courts et percutants dans un format pop-funk-rock. Je pense que Rick James m’a donné l’idée du style blufunk car je voulais aussi proposer des titres courts, concis, dans un format pop, mais avec mon propre style…
Qui sont les musiciens qui vous accompagnent dans Alive & Kicking ?
Josh McKenzie est à la batterie. Il joue avec moi depuis Black Orpheus. Il était encore à l’école le jour de l’audition. Nous sommes resté en contact depuis quinze ans, et je l’ai rappelé il n’y a pas longtemps. Il cogne très fort, il est très confiant et je lui ai dit en blaguant qu’il avait quelque chose de Nigérian en lui, et j’avais raison, car lorsque nous sommes venus à Lagos, tout le monde l’a immédiatement adopté ! Joey Grant, son cousin, a longtemps été mon bassiste, mais il est décédé il y a peu de temps. Il joue sur cet album, mais c’est Alexander Miller qui a complété ses parties. Cet album lui est dédié.
Cette formule en trio rend le son de cet album très tight, très funky…
Nous sommes quatre sur scène, et trois en studio sur ce disque. Sur scène, j’ai ajouté un clavier, car presque toutes les informations viennent de la guitare. Aujourd’hui, je peux transmettre des idées mélodiques au clavier, ce qui me soulage un peu… Au départ, l’idée originale du blufunk venait du power trio basé autour de la guitare, ce qui voulait dire que je devais créer des événements musicaux pour rendre les choses intéressantes pendant les trois minutes d’une chanson. Il faut créer des interactions entre les instruments, car si l’un des trois s’arrête de jouer, ça crée un trou énorme. Il faut donc arranger les titres de manière à ce que les instruments soient interchangeables : la basse peut devenir la guitare, et vice-versa. La batterie peut devenir la guitare, et la batterie peut devenir la basse, puis le chant arrive par-dessus. Tout doit coller.
Alive & Kicking contient aussi votre première chanson originale depuis Captain Rugged, « Melissa ».
C’est un album d’anciens titres, mais je les ai remis à jour dans cet album. Leurs arrangement sont très simples et je voulais les faire revivre. Elles témoignent aussi de l’évolution de mon écriture. Tout a commencé avec des textes innocents et des accords plutôt basiques. Les parties de guitare ne sont pas éblouissantes, puis je suis entré dans la période blufunk et je voulais souligner ce contraste. Certaines sont des jolies chansons pop, car à mes débuts, j’écrivais surtout des chansons dans ce format. J’adorais Rod Stewart, un putain de songwriter. Certains peuvent le trouver ringard, mais ses mélodies et ses chansons sont incroyables. J’écoutais ça, et aussi les Talking Heads, The Specials, The Police…
Depuis quelques années, vous vous consacrez principalement à la scène. Votre agenda de tournée est impressionnant, avec des dates régulières dans tout l’hexagone. Vous devez connaître la France par cœur !
Oui, je joue un peu partout. J’ai même joué dans La Creuse, un endroit où il n’y a rien du tout apparement (rires) ! La scène et les tournées ont toujours été très importantes pour moi. C’est la meilleure façon de présenter ma musique et j’ai adopté ce mode de vie depuis des années. J’aime pouvoir jouer sur scène et voyager. C’est peut-être un concept old-school, mais ça me convient. Et j’aime aussi donner un concert différent chaque soir : les performances ne sont jamais les mêmes, et ça rend l’expérience unique, que vous veniez me voir jouer demain ou l’année prochaine. En tout cas, c’est que je j’essaie de faire depuis toutes ces années.
Quels sont vos projets dans les mois à venir ?
Je reprends une tournée acoustique en mars, avant de faire des festivals cet été. En parallèle, j’écris des chansons en vue de mon prochain album. Cet album live vient rappeler au public que je suis toujours là, et que le groupe est toujours aussi bon. C’est aussi une manière de réintroduire progressivement ma musique auprès du public, car cela fait plus de dix ans que je n’ai pas sorti un album de chansons originales (Captain Rugged date de 2013, ndr.). Donc, je vais tourner cette année, puis sortir un nouvel album, je l’espère, l’an prochain. Je suis au début d’un nouveau cycle.
Interview : Christophe Geudin. Portraits : Sabrina Mariez. Merci à l’Hôtel Grand Amour.
Keziah Jones Alive & Kicking (Because Music). Prochainement en tournée.