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« Janet Jackson – La dernière des Jackson » en librairie

Absente des bacs depuis 2018 (avec l’anecdotique single « Made for Now »), Janet Jackson effectue un lent mais solide retour dans les consciences. Sa récente tournée (lire notre live report ici) et son apparition aux American Music Awards le 26 mai dernier le confirment : l’héritage de Janet est bien là, et il continue de se transmettre. Valentin Grimaud, qui s’est déjà penché sur les carrières de Céline Dion et de Mariah Carey dans la même collection, aime son sujet. Il offre à Janet une rétrospective complète, qui déclenche dès les premières pages la furieuse envie de réécouter les beats infernaux de Control. Janet s’impose comme un des centres névralgiques de la culture pop : influencée par les plus grands, qu’elle a souvent côtoyée dans son enfance, elle est devenue une source d’inspiration intarissable pour des artistes de différentes générations, de Sidi Larbi Cherkaoui à Aaliyah, sans oublier Beyoncé et Kendrick Lamar. Janet parle à toutes les races, tous les sexes et tous les styles. C’est ça aussi le pouvoir des icônes.

Janet Jackson a construit sa carrière en franchissant des obstacles imposés dès sa naissance : une famille célèbre vampirisante et une industrie aussi raciste que misogyne. Mais dans la difficulté, elle parvient à se faire un nom, et garde le cap autant que possible. Si “les vrais savent”, il reste une partie non négligeable du grand public qui ignore ou sous-estime l’influence de Janet sur la scène actuelle. Valentin Grimaud est là pour le rappeler. Les analyses précises nous font revivre la construction et la dissolution inéluctable d’une brillante carrière, avec la disparition progressive du cercle vertueux de la star, comme sa chorégraphe Tina Landon, et les retraits successifs de ses producteurs empiriques Jimmy Jam & Terry Lewis. Valentin Grimaud retrace de façon méthodique et rigoureuse une carrière aux allures de chemin de croix et de rédemption en plusieurs actes depuis le malheureux (et ridicule à bien y penser) incident du nipplegate du Superbowl en 2004. Tout est passé au crible : les premiers élans funky de l’enfant star, sa mue en en jeune femme qui prend son destin en main, sa découverte de la sensualité et de son corps, ce dernier étant le baromètre d’une carrière aux allures de rollercoaster. Avec le temps, Janet a appris à se relever et à s’accepter, tout en gardant intacte sa passion pour la musique et la scène. 

En refermant cette biographie, une vision plus profonde et juste de Janet ressort : sans tomber dans le sensationnalisme des rares biographies déjà publiées (comme le Out of the Madness de Bart Andrews de 1994) et tout en évitant d’analyser en profondeur les questions politiques qui mettent la carrière discographique de Janet en suspens depuis plusieurs années, Grimaud fait le choix de démontrer l’importance de l’oeuvre et du message délivrés par l’artiste. Les médias la définissent comme l’éternelle “soeur de”, tandis que les plus fins observateurs saisissent et digèrent un corpus dense qui a su traverser les années. 

Post Scriptum : notons un oubli mineur mais plein de sens : la ballade “Love Song For Kids”, publiée en 1978 en face B du seul single de son jeune frère Randy chez Epic. Les deux petits derniers du clan Jackson s’y retrouvent pour un duo naïf et passé sous les radars. Janet pose sa voix pour la première fois sur disque et chante l’amour du haut de ses 12 ans, avec ce filet de voix déjà plein de rêves. Un amour simple et sincère qui, au-delà des récompenses et des millions de disques vendus, semble être la pièce longtemps restée absente de son puzzle jusqu’à, on lui souhaite, la naissance de son fils.

Richard Lecocq

Janet Jackson – La dernière des Jackson de Valentin Grimaud (Le Mot et le reste, 224 pages, 21€. Disponible à partir du 27 juin 2025)