Révélée en 2012 avec le délicat Is Your Love Big Enough ? et sa tournée subséquente, Lianne La Havas signe son retour avec Blood. Inspirées en partie par les origines de la songwriter Gréco-jamaïcaine (le sang du titre est celui qui coule dans ses veines), les chansons de son second album additionnent les couleurs et les collaborateurs (dont Paul Epworth, responsable des succès d’Adele, Stephen McGregor, spécialiste du dancehall et Jamie Lidell). Entretien.
★★★★★★★★★
Funk★U : Blood, votre deuxième album, joue nettement plus la carte du groove que son prédécesseur Is Your Love Big Enough ? Etait-ce votre but ?
Lianne La Havas : Oui, totalement. J’ai toujours eu envie d’avoir ce type de son. J’ai toujours été fan du beat en général, mais ce genre de production ne correspondait pas aux chansons du premier album. Ajouter du groove sur ces chansons aurait été hors-sujet car leurs sujets étaient trop délicats. Cette fois, j’ai eu plus la possibilité d’explorer et j’ai disposé de plus de producteurs. L’idée était d’explorer des choses différentes et je me suis fait plaisir (rires) !
Blood ressemble à un album en deux parties. La première est colorée et rythmée, la seconde est plus introspective.
Exactement… Il n’y a pas de chronologie comme dans une histoire, mais ces chansons expriment une palette de sentiments contrastés. En fait, j’ai imaginé Blood comme les deux faces d’un vinyle. La première est funky, l’autre est plus cérébrale, plus expérimentale.
Une grande partie de Blood a été inspirée par un voyage en Jamaïque, dont vous êtes à moitié originaire. Vous n’avez pas enregistré un album de reggae-dancehall pour autant.
Non, bien sûr (rires) ! Plein de gens ont déjà enregistré des albums de reggae-dancehall, je ne me voyais pas en ajouter un à la liste. Je voulais enregistrer un disque qui me ressemble, sans pour autant entrer dans un genre particulier. L’important était de réaliser un album personnel.
« What You Don’t Do » s’inspire ouvertement d' »Hot Fun in the Summertime » de Sly and the Family Stone.
Oui, il s’agit d’un clin d’oeil, merci de l’avoir repéré ! Les paroles de cette chanson écrite par Matt Hales et Sam Dew partent de l’idée suivante : on exprime parfois plus de choses en ne faisant pas ce qu’on est censé faire ou en ne disant pas ce qu’on doit dire.
« Green and Gold », un des titres les plus personnels de Blood, évoque vos racines. Vous l’avez coproduit avec Jamie Lidell. Comment l’avez-vous rencontré ?
Par le biais de mon label. Jamie a été ma porte d’entrée vers les autres producteurs de l’album. On ne se connaissait pas et je l’ai appelé quelques jours avant la séance d’enregistrement. Il m’a demandé ce que j’avais envie de faire, mais j’avais tellement d’idées en tête que je ne savais pas trop. La séance a eu lieu à New York, au lendemain de mon voyage en Jamaïque. Je venais d’enregistrer « Midnight » avec Stephen McGregor, mais j’avais un beat précis en tête depuis plusieurs semaines. Je l’ai chanté à Jamie qui s’est mis à le reproduire en beat-boxant. Nous sommes partis de ce beat-box et j’ai ajouté la guitare et la basse. Pour la guitare, je me suis inspiré d’un guitariste jazz que j’adore : il s’appelle Martin Taylor. Dans une de ses vidéos sur YouTube, on le voit créer un son tropical en glissant un morceau de carton de papier à rouler Rizzla sous les cordes pour les étouffer. J’ai utilisé ce truc pour le son de la guitare de « Green and Gold ». Paul Taylor, un ami commun de Jamie, a ajouté une partie de batterie live et le morceau s’est construit de manière organique.
Quelle est la signification des mots Green and Gold dans ce contexte ?
Il s’agit du vert et du jaune du drapeau jamaïcain. J’avais dit à Jamie que j’avais envie d’utiliser les mots Green and Gold dans une chanson, et j’ai découvert qu’ils pouvaient s’insérer dans cet instrumental. Le texte évoque mes origines, mon enfance et ma manière de regarder le monde aujourd’hui. Il y a aussi un peu de nostalgie… C’est un de mes titres préférés de l’album, il est très important pour moi. Il me ramène à Blood, le titre de l’album qui évoque le sang qui coule dans mes veines.
On recense quatre producteurs différents sur Blood. Comment êtes-vous parvenue à conserver une certaine homogénéité sur l’ensemble de l’album ?
C’est vrai que ça aurait pu poser certains problèmes, mais j’étais bien consciente que je risquais de me perdre en ajoutant trop d’éléments ou en cherchant à multiplier les expérimentations. C’est pour ça que je me suis efforcée de préserver l’essence des chansons et la cohérence de la production. Quelque part, le fait d’avoir à ma disposition Stephen McGregor, Paul Epworth ou Jamie Lidell m’a forcé à me poser cette question. Si j’avais fait appel à une seule personne, qui sait quelle direction nous aurions pu prendre ? Au final, ce choix a été positif… (Elle feuillette l’exemplaire de Funk★U spécial Prince 1980). Oh my God (rires) ! Je le reconnais à peine…
Effectivement, il ne s’habille plus comme ça sur scène.
(Rires). J’ai passé plusieurs jours à Paisley Park l’année dernière et nous avons enregistré beaucoup de titres ensemble. Certaines choses sont sorties, d’autres pas…
Vous avez participé l’an dernier au projet Autour de Nina, un album-hommage à Nina Simone. Pour quels artistes seriez-vous prête à renouveler cette expérience ?
Bob Dylan, Joni Mitchell et Nick Drake.
Propos recueillis par Christophe Geudin
Lianne La Havas Blood*** (Warner Music). Sortie française le 4 septembre. En concert à Lille (L’Aéronef) le 28 novembre et à Paris (Bataclan) le 1er décembre.