Interview

Electro Deluxe « Nous ne sommes pas des intégristes du funk »

Alors qu’Electro Deluxe entame sa tournée hexagonale, nous les avons rencontré en pleine résidence dans un studio à Alfortville. Celui-là même où Home, leur excellent nouvel album (chroniqué dans le prochain Funk★U) à été enregistré. Que les plus réticents se rassurent : Electro Deluxe a abandonné ses machines, et a même engagé un chanteur à temps plein. Explications.

FunkU : Vous avez l’air de prendre la tendance en sens inverse : vous avez commencé avec de l’électro et maintenant que le genre devient populaire, vous vous en dégagez au profit du funk.
Electro Deluxe : C’est vrai ! On n’avait jamais envisagé les choses comme ça, mais c’est effectivement le cas. Nous ne sommes pas les seuls, il suffit d’écouter Daft Punk, qui fait un truc à la George Benson. C’est dû au fait qu’on ne définit pas le style de l’album avant d’écrire nos morceaux. Depuis Play, les machines nous ont lassé. Tous les sample, ces choses qui mettaient une ambiance, ont été abandonnés. À partir du moment où on veut tout faire avec des instruments, ça nous donne des contraintes très forte, et ça nous met dans un style précis. Ce changement correspond aussi à l’évolution de nos goûts et de nos influences. Il y a cependant des choses électro qu’on adore et des morceaux de funk qu’on déteste. Nous ne sommes pas des intégristes du funk. Et prendre la température pour répondre à des modes est une peine perdue, ne serait-ce que parce que le temps entre l’écriture et la sortie du disque est très long.

Vous avez l’air étonné quand on vous dit que le disque est très funk.
La démarche est pop. On a voulu simplifier notre musique. Avant on écoutait beaucoup Roy Hargrove, Buckshot Lefonque… ce sont des gens qui ont une démarche de jazzmen, qui viennent faire du hip-hop-groove. Maintenant on écoute plus les Meters Avec deux accords, ils donnent une leçon. Faire simple, c’est parfois plus compliqué qu’en mettant des ponts très riches ou de long chorus. L’évolution vient de ce qu’on a écouté. C’est plus organique. C’est vrai que beaucoup de gens sont surpris, certain ne nous reconnaissent pas. Et puis il y a James (Copley, nouveau chanteur du groupe, ndr), qui nous a embarqué ailleurs. On aime beaucoup le travail des Black Keys en studio, par exemple.

Vous avez toujours invité plusieurs chanteurs à participer à vos projets, pourquoi avoir choisi d’embaucher James Copley à temps complet ?
On voulait avoir une voix, avec une interface avec le public. Mais aussi une seule écriture pour les paroles, une identité. On est très admiratifs des groupes qui développent un son dans la durée. Travailler avec des invités, ça signifie ne pas savoir qui va être avec nous sur scène. Et le live est très important aujourd’hui. C’était important également d’avoir un vrai anglophone, James est resté aux Etats-Unis pendant une vingtaine d’années, donc la vibe est authentique. Ça nous permet de diminuer notre complexe du corn flakes (référence à une chanson de -M- du même nom, ndr).

James, quel est votre parcours musical ?
James Copley : Mon père était chanteur de gospel dans une église de blancs, à la Johnny Cash. J’ai grandi dans tout ça, mais je ne chantais pas à l’époque. Mes frères écoutaient du rock, et ma sœur était branchée Barry White, Prince, R&B… J’ai grandi dans un environnement black, j’étais le seul blanc dans mon entourage. Dans les années 80, j’étais très hip-hop. Et je viens de Cincinnati, Bootsy Collins est de chez nous, donc grosse influence, avec Zapp & Roger, Midnight Star... des choses très locales qui passaient à la radio. J’étais chanteur amateur avant de rencontrer le groupe. Est-ce que je suis un chanteur de funk ? Je ne sais pas.

Quelle est votre collaboration la plus marquante ?
Travailler avec 20Syl (C2C, Hocus Pocus) est très intéressant car c’est une collaboration protéiforme. Il nous a beaucoup apporté. Il fait les graphismes, il nous aide à faire beaucoup de choses, il fait un remix pour le dernier disque (« Devil »), c’est la première fois qu’on a un remix. Il est toujours là quand on l’appelle, ils vient partager des scènes… Encore quelqu’un qui vient d’un autre univers mais qui nous laisse de supers souvenirs.

Propos recueillis par Noé Termine

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