Neuf ans après les expérimentations lo-fi The Headphone Masterpiece, Cody ChesnuTT est de retour avec Landing on a Hundred, un nouvel album en ligne directe avec la soul orchestrée du mitan des années 1970. Entretien avec un pourvoyeur de « real-life music. »
Funk-U : Nous nous étions rencontrés en 2003 à l’époque de la sortie de The Headphone Masterpiece. Neuf ans plus tard, vous revenez avec Landing on a Hundred, un nouvel album, de nouvelles chansons et une nouvelle direction musicale. Etes-vous aussi un nouveau Cody ChesnuTT ?
Cody ChesnuTT : Je suis le même, mais en plus vieux (rires) ! Mon esprit est plus clair aussi : J’ai deux enfants, et ma vie n’a plus rien à voir avec celle que je menais à l’époque de The Headphone Masterpiece. Mes perspectives sont neuves.
Avec ses cuivres et ses arrangements de cordes, Landing on a Hundred emprunte une direction plus orchestrale que The Headphone Masterpiece, que vous aviez enregistré dans votre chambre sur un magnéto 4-pistes. Pourquoi ce choix ?
J’ai voulu prolonger mes idées musicales tout en m’inspirant du son des productions des albums soul des années 1960 et 1970. J’avais des idées d’arrangements de cordes que j’essayais de transposer au clavier, mais ça ne marchait pas toujours. Dans ce nouvel album, je voulais que la musicalité imprègne mes chansons de manière plus forte. J’étais également très limité en termes de pistes pour The Headphone Masterpiece, et la plupart de ces embellissements étaient enterrés dans le mix.
Quel est le point de départ du projet Landing on a Hundred ?
J’ai monté ce groupe à Tallahassee, en Floride, où j’habite. Nous avons commencé à répéter les nouveaux titres tout en essayant de retenir les arrangements qui collaient le mieux aux chansons. Une fois les titres mis en place, nous avons procédé à l’enregistrement. Patrice a produit Landing on a Hundred. Je l’ai rencontré à Cologne sur une tournée en 2010. Pendant ce concert, j’ai eu un problème de grosse-caisse. Le tourneur m’a dit qu’il connaissait quelqu’un qui possédait pas mal de matériel, c’était Patrice. Il est venu avec une batterie et il m’a expliqué qu’il adorait The Headphone Masterpiece et qu’il aimerait travailler avec moi. Je cherchais un producteur, et Patrice voulait produire un album. On était en décembre 2010, et nous avons commencé à travailler en avril 2011.
Dans « Everybody’s Brother », vous chantez « I used to smoke crack back in the day, I used to gamble money and lose, I used to dog nice ladies… » Vos textes sont aussi brutaux qu’honnêtes…
Ils sont souvent très personnels, mais ils sont surtout basés sur des observations du quotidien. C’est de la real-life music, car tout le monde peut se retrouver dans ces textes. Depuis toujours, la musique populaire est basée sur un fantasme. Je voulais simplement retrouver ma vie de tous les jours, aborder mon quotidien de façon réaliste et expliquer mes choix.
Il y a dix ans, vous m’aviez déclaré que votre intention était de « balayer l’industrie du disque et de détruire tous les formats ». Or, vous êtes aujourd’hui signé chez Universal.
C’était peut-être un peu naïf de ma part... L’industrie du disque de l’époque était sur le déclin, et elle n’a déjà plus rien à voir avec celle d’aujourd’hui. J’avais le sentiment que les artistes allaient obtenir plus de pouvoir, que le paradigme allait évoluer. J’avais partiellement raison, même s’il est impossible de démolir ce système en aussi peu de temps. Je voulais secouer les choses, mais il me faudra plus de deux disques pour y arriver (rires)… Et toi, tu aimes ce nouvel album ? Que penses-tu de la transition avec The Headphone Masterpiece ?
C’est une évolution logique, comme si ces idées d’arrangements plus détaillés planaient déjà sur The Headphone Masterpiece.
Je me demande comment les gens vont appréhender la différence sonique entre ces deux albums. J’ai peur que le public soit déçu de ne pas retrouver le coté lo-fi de The Headphone Masterpiece, mais tu as raison, c’est la musique qui planait dans mon esprit depuis plusieurs années. Je ne voulais plus me limiter et rendre honneur à ces chansons en les arrangeant de façon plus riche.
Des disques précis ont-ils influencé la direction musicale de Landing on a Hundred ?
Oui, mais d’une manière subliminale. Par exemple, je n’ai découvert Kind of Blue de Miles Davis qu’en 2002. C’était mon introduction au jazz, et ça a influencé quelques titres de l’album dont « What Kind of Cool (Will We Think of Next) », tout comme la tradition de la musique populaire noire devait figurer sur Landing on a Hundred. Pour moi, Off the Wall, Songs in the Key of Life et What’s Goin’ On sont au sommet de ma liste d’albums soul favoris. Everything is Everything de Donny Hathaway n’est pas loin, avec Innervisions et Let’s Get it On. C’est étrange, mais j’écoute les disques de manière atypique : Je les écoute en passant, je m’en imprègne et puis je passe à autre chose. Le seul album que j’ai écouté en boucle et dont j’ai lu les notes de pochette en entier, c’était Off the Wall et j’avais dix ans. Je ne m’arrête pas vraiment sur un album précis, et c’est la même chose quand je lis en livre. Je retiens l’information, mais pas l’auteur.
Quel est le sens du titre de l’album, Landing on a Hundred ?
« A hundred », c’est une métaphore de la vérité. C’est une expression qu’on entend souvent dans les chansons de hip-hop, « Keep it on a hundred ». Donc, Landing on a Hundred signifie littéralement atterrir sur cette vérité, être en accord avec ses idées et l’être de manière brutale s’il le faut.
Propos recueillis par Christophe Geudin
Cody ChesnuTT Landing on a Hundred (Polydor/Universal). Disponible le 29 octobre.
Passionnant récit ! Merci pour le cadeau d’anniversaire, même involontaire 😉 L’album est dispo ce jour ? Je pensais qu’il avait été repoussé au 29 octobre…