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Chronique : Sly and the Family Stone « The First Family: Live at Winchester Cathedral 1967 »

Aux petites heures du 26 mars 1967, Sly and The Family Stone se produisent à l’occasion d’un « Special Sunrise Saturday » au club Winchester Cathedral, une bâtisse victorienne reconvertie en salle de concert à Redwood City, au sud de San Francisco. Dans l’auditoire, le producteur David Kapralik assiste au set ultra-dynamique de la première Famille du funk et en ressort transfiguré. À l’issue de la performance, Kapralik fait la connaissance de Sly Stone à la House of Pancakes voisine. Quelques jours plus tard, David Kapralik devient le manager du groupe, dont A Whole New Thing, le premier album, paraîtra en octobre suivant sur le label Epic.

Disponible en vinyle exclusif et pour la toute première fois à l’occasion du Disquaire Day 2025, The First Family: Live at Winchester Cathedral 1967 capture cette soirée décisive au terme d’une épopée sonique entamée il y a plus de vingt ans : en 2002, les Sly Stonologues Edwin et Arno Konings, auteurs d’un ouvrage discographique de référence paru en 2013 et contributeurs de nombreuses rééditions officielles, rencontrent Rich Romanello, le premier manager de la Family Stone. Ce dernier détient les masters de ladite performance, confirmant une rumeur de longue date partagée entre les membres du groupe et les fans les plus aguerris du groupe. Problème : les bandes 7-pouces sont principalement instrumentales, et par conséquents inexploitables. Le musicien/producteur (et archiviste de renom) Alec Palao récupère ensuite les bandes, les transfère et aboutit au même constat. Par chance, Paleo se souvient avoir rencontré Fred Cohn, propriétaire du label Action Records, situé à San Mateo, à quelques miles du club Winchester Cathedral. Dans les années 1960, Cohn avait effectué de nombreux enregistrements locaux, dont celui de la Family Stone. Après avoir exhumé la bande, Alec Palao découvre que cet enregistrement effectué à l’aide d’un magnétophone portatif quatre-pistes contient les parties vocales et le clavier de Sly, mais les voix « fantômes » de Freddie Stone et de Larry Graham ne sont discernables que dans les micros de la batterie, des cuivres et de la cabine Leslie de l’orgue. Grâce à l’IA, ces parties sont désormais parfaitement audibles au cœur d’une prise de son à l’issue miraculeuse. 

Essentiellement constitué de reprises de standards soul/R&B du moment — de Stax à Motown avec « I Can’t Turn You Loose » d’Otis Redding et « Pucker Up Buttercup » de Junior Walker, et un original en ouverture (« I Ain’t Got Nobody (For Real) ») , Live at Winchester Cathedral 1967 anticipe la formidable dynamique harmonique et scénique de la Family Stone. Sly Stone opère d’emblée en leader charismatique, soutenu par les pulsations tentaculaires de Greg Errico et les cuivres alertes de Jerry Martini et Cynthia Robinson, avec un renfort de Freddie Stone au trombone sur certains titres. Et si Larry Graham n’agrémente pas encore ses lignes de basse d’effets slap et fuzz, son bottom incite déjà les danseurs à ne pas se cacher derrière le bar.

Complété par un (très) riche livret illustré de 24 pages rédigé par Alec Palao retraçant l’histoire du concert, les années de formation de la Family Stone et la genèse fascinante de ce projet, The First Family: Live at Winchester Cathedral 1967 constitue bien davantage qu’une simple archive live en offrant un cliché historique de l’album de famille d’un des groupes les plus visionnaires de l’histoire de la musique populaire. 

Remerciements à Arno Konings

Sly and the Family Stone The First Family: Live at Winchester Cathedral 1967 ****. Disponible en exclusivité le 12 avril dans le cadre du Disquaire Day 2025 (High Moon Records, vinyle simple, 3250 exemplaires). Disponible en juin en vinyle et CD simple.