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Chronique : Daft Punk « Random Access Memories »

Certains lecteurs ont peut-être été étonnés, voire suffoqués, par la présence récurrente de Daft Punk dans ces pages virtuelles au cours des dernières semaines. En temps normal, Funk★U aurait pu vous lister la liste d’emprunts des rejetons des producteurs d’Ottawan et des Gibson Brothers, où encore gloser sur des mélodies trop catchy pour être honnêtes avant de retourner écouter Breakwater ou Quazar. C’était sans compter sur le virage analogique de Random Access Memories, le quatrième album des alter-égos casqués de Thomas Bangalter et Guy-Manuel de Homem-Christo. Véritable disque de genre(s), RAM cale les deux tiers de son contenu sur un disco-funk pulsé par les parties défenestrantes de sessionmen qui ont tout vu, du chitlin’ circuit au Studio 54 (les noms de Nathan East, bassiste massif de Stevie Wonder et Paul Jackson, Jr., le guitariste de Thriller, circulent déjà sur quelques tracklistings). Le break crunchy de « Give Life back To Music », porte d’entrée de 73 minutes supersoniques dont le single éclaireur « Get Lucky » n’incarne que la facette la plus accessible du projet, ne laisse aucun doute sur la présence de Nile Rodgers et ses Chic-Isms.

Privé de crédits musiciens lors des écoutes, il est difficile d’identifier l’auteur des arpèges liquides de « The Game of Love », mid-tempo caniculaire guidé par un lick de basse télégraphique et des parties vocales à la talk-box façon Roger Troutman. Zapp produit par Chic ? Pas loin. En revanche, c’est bien Giorgio Moroder qui raconte l’histoire de l’electro dans « Giorgio By Moroder », une suite Hi-NRG/prog hallucinogène et uptempo ponctuée par des allusions au thème de Midnight Express et des synthés latino évoquant la période brésilienne de George Duke. Aux dires d’internautes bien renseignés, Omar Hakim et John Robinson Jr., le cogneur d’Off The Wall, se partageraient les drums du funk minimaliste et salement princier de « Lose Yourself To Dance », à nouveau chanté par Pharrell Williams sur fond de guitares scratchées et de handclaps démesurés. Et s’il n’y avait que ça… L’intro péplum de « Beyond » débouche sur un long instru Calif’, tout près de Michael McDonald et de son indéboulonnable « I Keep Forgetting ». Deux titres et le break Funky Drummer de « Motherboard » plus loin, c’est Hall & Oates et Fleetwood Mac qui semblent reprendre le flambeau de « Fragment of Time », une dinguerie blue-eyed soul ou l’on perçoit – Choc ! – une guitare slide au fond du mix.

Et les robots dans tout ça ? En retrait derrière leurs vocoders et la vitre de la cabine de contrôle, les producteurs réinventent leur dynamique et passent du noir et blanc numérique à la couleur analogique. Fortunes diverses : Pour « Within », un joli interlude mélancolique pianoté par Gonzales, et « Touch », une symphonie pop SF dérangée introduite par Paul Williams, le Phantom of the Paradise en personne, le duo s’égarent dans la pop 80 pastel avec Julian Casablancas des Strokes (« Instant Crush », sans doute recalé de la BO de Drive). Avec sa toccata liturgique et sa batterie heavy-métal, le final apocalyptique de « Contact » hésite entre Justice et les Chemical Brothers. En tournant le dos au sampling et à l’électro stadière, Random Access Memories préfère ranimer la mémoire vive de la dance music hédoniste du tournant des années 1970 et 80, une époque où un disque capturait non pas une séquence de fichiers, mais une performance. À prendre ou à laisser. Prenez.

SlyStoned

Daft Punk Random Access Memories (Columbia/Sony Music). Disponible le 20 mai en CD, double LP et digital.

 

10 Commentaires

  • Très cher Slystoned, tout d’abord merci pour cette revue, mais attention à ne pas confondre tout de même les noms des Bassistes!
    Nathan East a certes beaucoup de facilité à distiller un groove efficace, mais ce n’est pas lui qui a participé à nombre d’enregistrements de Stevie Wonder : c’est Nathan « Lamar » Watts !

  • D’où le terme « massif » qui ne sied pas vraiment au très svelte Nathan East 😉 Nathan Watts, c’est Mister « Do I Do » ! (entre autres lignes de basse…). Bref, merci pour la review parfaite. Le 20 mai, je sais déjà où je serai et avec qui !

  • Nathan East a aussi joué avec Stevie Wonder (dans A Time To Love), mais ce n’est certes pas le bassiste « massif » qui l’accompagne sur scène depuis des années !

  • Je dois donc sans doute être trop neuneu par ce que je trouve cet album chiant comme la pluie.

  • Bon, bon, bon… Dans quel coin se réfugier ? Celui des déçus ou celui des ravis ? Une chose est sûre, Daft Punk n’est jamais aussi à l’aise que quand ils pillent sans vergogne le passé pour en colorer le présent. C’est ce qui a fait leur renommée d’ailleurs (et ma déception après l’horrible découverte). Car sur les morceaux de RAM qui s’éloignent de l’électro pure sous acide, et qui appellent donc à de la jugeote et à un vrai talent de mélodiste (plus que d’ambianceur ou de bidouilleur) ça manque clairement d’épaisseur, d’un bon producteur, d’une bonne direction artistique. Bref, de talent. C’est rectiligne (le break de GLBTM est risible), les lignes de basse marquent le temps sans trop s’y risquer autour. Parfois, on frôle le kitch absolu, le slow bontempi, puis il faut bien retrouver l’inspiration alors on va dépoussiérer deux-trois vinyles, et l’on copie-colle par-là un riff, ici un accord (j’espère qu’ils ont payé des droits d’auteur à Michael McDonald pour Beyond…). C’est sûr, l’album est assez foutraque et nécessite donc un temps d’écoute prolongé, attentif, et tout, et tout… Mais concernant les morceaux au cachet funky, c’est du sous-sous-sous disco entendu des centaines de fois. Lose Yourself To Dance, c’est comment dire… Banal ? Et Get Lucky est sympa certes, mais n’est-ce pas le pire adjectif qu’on pouvait lui accoler ?

  • franchement faut arrètés les critique , le funk est là et c’est ce qui est bon , non