Depuis son fracassant comeback en 2005 avec l’exceptionnel I’ve Got My Own Hell to Raise, Bettye Lavette a publié une série d’albums basés sur des reprises stellaires du grand catalogue pop-rock sixties et des arrangements americana de splendide facture. Coproduit par le fidèle Joe Henry, Worthy prolonge cette veine introspective avec un twist : contrairement au récent Thankful’N’Thoughtful (2012) et à une majeure partie de la discographie de l’ancienne signature d’Atco Records, Worthy laisse percer une fragilité qui n’aura jamais été aussi flagrante. Un sentiment de vulnérabilité appuyé par le blues blafard de « Just Between You And Me And The Wall, You’re a Fool » (original de JH Brown Jr), la confession sans fards d' »Undamned » et d’une reprise funkysée d' »Unbreakable » de Bob Dylan et son texte à double tranchant et stratégiquement présentée en introduction de l’album.
« It’s not dark yet », chantait le Zim, et la lumière n’est jamais loin dans les relectures claires-obscures de Bettye Lavette : Une première face crépusculaire cède la place à l’emballement façon Muscle Shoals du « Complicated » des Rolling Stones, suivi d’un étonnant contre-pied acoustique et downtempo du « Wait » des Beatles, qui réussit l’exploit de rendre bouleversante la douce supplique pop de Rubber Soul. Une nouvelle réussite de la soul survivor, en attendant la future adaptation au grand écran d’A Woman Like Me, son autobiographie sans concessions parue en 2012.
Jacques Trémolin
Bettye Lavette Worthy ****(Anti). Disponible en CD, digital et version collector CD/DVD.
