De passage à Paris pour la promotion de son cinquième album All Love Everything, Aloe Blacc évoque pour Funk★U son disque le plus personnel à ce jour.
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Funk★U : Vous êtes un des rares artistes américains à venir faire la promotion de son nouvel album en Europe pendant la pandémie. All Love Everything a-t-il été composé pendant le confinement ?
Aloe Blacc : Non, ces chansons ont été composées au cours des quatre dernières années et nous avons terminé l’enregistrement de cet album juste avant le confinement. L’inspiration principale d’All Love Everything n’est donc pas la pandémie, mais tout simplement ma famille. C’est un thème intemporel, et je raconte dans ces chansons mon expérience de père et de mari. Je n’aurais pas pu le faire plus tôt car je n’avais pas assez d’expérience, ni de recul, pour composer de telles chansons. J’y parle de mes enfants, de ma femme, de mes parents, de mes amis et de mes souvenirs…
Vous parlez également de vous-même de manière très personnelle dans « Hold On Tight ». Qu’avez-vous voulu décrire dans cette chanson ?
Dans « Hold On Tight », j’ai voulu parler de ces personnes vulnérables dont nous sommes très proches, mais qui refusent, ou ont du mal à accepter, qu’on leur vienne en aide. En raison de leur vulnérabilité, il est difficile pour eux de s’ouvrir aux autres, et cette sorte d’enfermement les empêche d’évoluer vers un processus de guérison. Ces questions me touchent personnellement car je retiens souvent mes émotions, et je préfère les exprimer au travers de mes chansons. J’aimerais m’ouvrir plus aux autres, et cet album participe à cette envie de partager.
Côté musique, qui sont les principaux contributeurs d’All Love Everything ?
Jonas Jeberg, qui est également un musicien très talentueux, a produit l’album, en plus de jouer de la batterie et des parties de basse et de claviers. Il a apporté énormément d’idées et de feeling à mes compositions, qui pour la plupart ont été maquettes en versions piano-voix ou guitare-voix.
Excepté quelques programmations, la production d’All Love Everything est intemporelle, avec des clins d’oeil à la Motown et à la soul de Stevie Wonder.
C’est exact, mais le plus important pour moi reste l’intemporalité de mes textes. Lorsque vous écrivez des paroles qui vous parlent, vous pouvez ensuite les produire de toutes les manières et dans tous les styles musicaux imaginables. Par exemple, dans « Family », le premier titre de l’album, j’évoque ma femme et mes enfants. Mes parents sont originaires du Panama, la famille de mon épouse vient du Mexique et j’ai choisi d’intégrer des éléments de musique latine dans les arrangements pour raconter notre histoire personnelle et là d’où nous venons. Il se trouve également que ma femme adore danser sur du dance-hall, et j’ai inclus volontairement quelques séquences tout au long de l’album.
Vous êtes un chanteur soul. Selon vous, la soul music est-elle le médium idéal pour délivrer votre message ?
La soul music est considérée depuis longtemps comme un médium qui véhicule la vérité, notamment par le biais des grandes voix du passé, celles du mouvement des droits civiques et celles qui décrivaient l’expérience de vie à l’intérieur d’une communauté marginalisée. La musique folk est un autre vecteur important d’histoires, de vérité et de messages. Je pense néanmoins qu’on peut délivrer des messages importants sans se soucier des genres musicaux. J’ai démarré ma carrière dans le hip-hop, et lors de la naissance de ce genre, c’était le moyen idéal de transmettre la réalité du quotidien.
Vous vous êtes fait connaître en France grâce au succès de « I Need a Dollar ». Pour certains, obtenir un tel hit en début de carrière peut se transformer en fardeau. Est-ce votre cas ?
« I Need a Dollar » a été une bénédiction pour moi. La part de marketing est toujours importante au début de la carrière d’un artiste. Cette chanson m’a permis de me faire connaître et de révéler mes intentions au grand public. J’ai eu beaucoup de chance, et ce succès m’a permis de partager encore plus de musique et d’effectuer des rencontres extraordinaires. D’ailleurs, je tiens à signaler que la France a été le premier pays où « I Need a Dollar » a obtenu du succès. Je ne sais pas ce qui se serait passé, ni où je serais aujourd’hui sans cet accueil et je serais toujours reconnaissant envers votre pays.
Propos recueillis par Georges Zipp. Photo : Sabrina Mariez.
Aloe Blacc All Love Everything (BMG). Disponible.