Entre funk, soul, disco et pop, le trio new-yorkais Say She She brasse avec ingéniosité les influences et les styles musicaux. Silver, leur éclatant deuxième album, sert de support à une tournée qui passera par les festival français à la rentrée.
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Funk★U : Comment est né Say She She ?
Sabrina Mileo Cunningham : Tout à commencé à New York, vers 2018. Piya et Nya s’étaient rencontrées lors d’une fête à Harlem un peu plus tôt. Ensuite, j’ai rencontré Piya, qui avait emménagé dans l’appartement au-dessus du mien dans le Lower East Side.
Piya Malik : On habitait dans le même immeuble, dans des appartements très mal isolés. On entendait tout ce qui se passait, et un matin, très tôt, j’ai entendu Sabrina chanter un madrugada, alors que j’avais plutôt l’habitude de chanter très tard le soir (rires) !
Sabrina Mileo Cunningham : Et c’est par l’intermédiaire de Piya que j’ai rencontré Nya peu de temps après. Nous sommes devenues amies, et après avoir chanté sur des projets d’autres personnes (Piya a été membre d’El Michels Affair, ndr.), nous avons décidé de le faire pour nous-mêmes.
Vos influences vont de The Rotary Connection aux productions de Nile Rodgers, en passant par Sly and The Family Stone, Talking Heads…
Nya Gazelle Brown : Nous partageons beaucoup de goûts similaires, et nous nous faisons découvrir mutuellement des artistes, des groupes et des styles différents. C’est en partie pour cette raison que le groupe fonctionne, et c’est la même chose qui nous fait graviter l’une vers l’autre en tant qu’amies. En partageant des goûts similaires, nous nous sommes retrouvées dans les mêmes cercles, ce qui, à New York, a souvent beaucoup à voir avec vos goûts musicaux ! De la même manière, nous apportons chacune nos influences dans notre musique. Pour nous, la meilleure façon d’écrire, c’est d’être toutes les trois dans la même pièce, avec notre groupe, en train de jammer en canalisant tout ce qui nous a influencés au cours de nos vies. Par exemple, Piya apporte ses influences hindoues, Punjabi et Bollywood, que nous adorons aussi avec Sabrina.
Sabrina Mileo Cunningham : Chacune d’entre nous apporte ses propres influences, et par chance, elles sont très souvent similaires. Et nous composons aussi de cette manière. Avant d’enregistrer, nous nous retrouvons pour évoquer les sujets dont nous avons envie de parler. Cela nous amène à une conversation dans laquelle nous partageons des idées et des histoires qui vont aboutir à un concept ou à un thème.
Piya Malik : Sabrina sait très bien arranger nos idées, puis chacun remplit les espaces manquants, comme si nous complétions un puzzle et ensuite, nous ajoutons une accroche mélodique. Parfois, il peut aussi arriver que nous ayons chacune une idée différente, et nous procédons à une sorte de tissage où ces trois idées différentes deviennent une chanson. De temps en temps, le groupe peut aussi se lancer dans un groove, et nous savons instinctivement comment nous allons pouvoir le transformer en une chanson de Say She She… La notion de fun est également très importante pour nous. Et si nous avons envie de danser en écoutant nos chansons, on se dit que nos amis, et peut-être même leurs amis, auront aussi envie de danser dessus.
Prism, votre premier album sorti en 2022, a été rapidement suivi par Silver l’an dernier, mais ces deux albums sonnent de manière complètement différente. Pourquoi ?
Piya Malik : La différence vient de la manière dont nous avons enregistré. Pour Silver, dans la même pièce avec un groupe, et cette énergie a tout changé. Prism avait été écrit pendant le confinement autour d’un piano, avec les voix, et on a ajouté les instruments ensuite. Et écrire avec une boîte à rythmes n’est pas très fun… Silver a été enregistré avec le groupe, et c’est merveilleux de pouvoir écrire avec une section rythmique, car cela vous permet de créer des chansons plus intenses ou plus galvanisantes.
Nya Gazelle Brown : La musicalité de notre groupe est stellaire. Ils jouent ensemble depuis plus de vingt ans, et ils possèdent une alchimie et une camaraderie que je n’avais jamais rencontré jusqu’ici.
Sabrina Mileo Cunningham : Quand nous bons ensemble, il se passe quelque chose de vraiment spécial, et nous avons beaucoup de chance de les avoir.
Piya Malik : C’est comme rencontrer des cousins pour la première fois : vous ne les connaissez pas, mais vous vous sentez déjà proches. Binky Griptite, le guitariste de Sharon Jones et des Dap-Kings, est une vieille connaissance de New York, et il est comme un grand frère pour nous. C’est une bonne âme, très humble, et il sait nous conseiller.
Say She She est un trio vocal, et les groupes chantant en harmonie sont rares aujourd’hui…
Piya Malik : C’était notre but quand nous avons démarré Say She She, car nous adorons chanter en harmonie. Thee Sacred Souls fait également partie de cette catégorie, mais les girl-groups mixtes sont rares aujourd’hui, c’est vrai. C’est dommage car nous adorons ces groupes…
Silver est un double-album de plus de 60 minutes d’un groupe qui chante en harmonie et qui a été enregistré en analogique. Avez-vous parfois le sentiment de ne pas appartenir à votre époque ?
Piya Malik : Nous ne sommes pas un groupe rétro, et n’essayons pas non plus de sonner rétro. On nous cite souvent nos références des années 1970, et c’est vrai que c’est la musique que nous aimons et c’est sans doute la manière dont notre musique est enregistrée, entièrement sur bande, qui appelle ces références.
Nya Gazelle Brown : Parfois, quand on tombe sur une chanson enregistrée de cette manière au milieu d’autres, on ressent immédiatement quelque chose de différent. L’enregistrement numérique a ses avantages, mais avec la bande, il y a quelque chose de nostalgique et sentimental qui touche l’auditeur.
Piya Malik : C’est de cette manière qu’ont été enregistrés les albums que j’aime, et c’est aussi de cette façon que j’avais appris à travailler en studio avec El Michaels Affair. J’adore la chaleur du son analogique, et Sabrina a toute de suite ressenti la différence lorsqu’elle a entendu le résultat. À l’avenir, je ne me vois pas enregistrer d’une autre manière.
Le 23 août prochain, vous allez vous produire au Festival Rock En Seine. Ce concert a-t-il un sens particulier pour vous ?
Piya Malik : Ce sera notre premier grand festival parisien et nous avons tellement hâte ! J’ai fait une partie de mes études à Paris, j’avais l’habitude de me rendre à ce festival, et je n’arrive pas à croire que je serai de ce côté de la scène… Nous avons aussi écrit « C’est si bon » pour un moment comme celui-là. Nous avons eu envie d’écrire une chanson disco en français, et nous avons tourné son vidéoclip à Paris. Cette chanson a été écrite pour Paris !
Sabrina Mileo Cunningham : Nous aimons jouer sur scène, mais il y a toujours quelque chose de spécial dans les festivals. Nous sommes encore en hiver mais j’ai l’impression d’être déjà en été rien que d’en parler !
Say She She Silver (Colemine Records/Modulor). En concert le 18 août au Festival Cabaret vert (Charleville-Mézières) et le 23 août à Paris (Festival Rock en Seine).
Photos : Sabrina Mariez