Lamont Dozier RIP

Disparition de Lamont Dozier (1941-2022)

Co-auteur de quelques-uns des plus grand hits de Tamla-Motown au sein du légendaire trio d’écriture Holland/Dozier/Holland, le chanteur, parolier et producteur Lamont Dozier vient de nous quitter à l’âge de 81 ans. En 2004, cette légende de la soul donnait une interview exclusive à Funk★U. Le récit d’une vie constellée de succès intemporels pour The Supremes, The Four Tops, Martha and the Vandellas, sans oublier le légendaire “Going Back To My Roots” écrit pour Odyssey. Vers les racines de Lamont Dozier.

★★★★★★★

 

Funk U : “You Keep me Hanging On”, “Standing in the Shadows of Love”, “Nowhere to Run”, “This Old Heart of Mine”… La plupart de vos plus grands succès écrits pour Motown ont souvent pour point commun la tristesse et la solitude.

Lamont Dozier : C’est vrai. Toutes ces chansons traitent de l’amour à sens unique, mais avec une différence : je me place souvent du point de vue des femmes. Quand j’étais enfant, ma grand-mère tenait un salon de beauté dans le Michigan. Je me faisais de l’argent de poche en faisant le ménage dans le salon après les cours, et j’ai entendu un nombre incroyable d’histoires terribles racontées par des femmes abandonnées, humiliées, trahies et parfois battues. Quand le moment fut venu d’écrire, je me suis servi de tout ce matériel.

 

Étiez-vous conscient du décalage entre ces textes et les arrangements uptempo des tubes Motown ?

La vitesse de ces morceaux les rendaient optimistes, pleines d’espoir. On pouvait danser dessus. Les mélodies étaient tristes, mais le beat faisait le reste.

 

À quoi ressemblait une journée-type dans les studios de la Motown ?

On commençait la journée en pointant… Ils essayaient de réguler la créativité avec cette foutue pointeuse ! « Il est 9 heures, c’est l’heure de créer ! » (rires). Ca ne marche pas comme ça. C’était complètement absurde. Avec Eddie et Brian Holland, nous partagions un bureau ridiculement étroit, avec un piano demi-queue dans un coin sur lequel était posé un magnétophone Ampex. On fonctionnait comme une chaîne de montage automobile. J’étais chargé de composer une mélodie et des textes, que je transmettais ensuite à Brian qui mettait les choses en forme. Au final, Eddie était chargé d’apprendre les chansons aux artistes. Trois cerveaux qui n’en faisaient qu’un. Entre 1962 et 1968, on a vendu 150 millions de singles. Nous étions le team le plus populaire de la Motown, ce qui a parfois engendré quelques jalousies…

 

En 165, le studio de la Motown est passé d’un enregistreur 3-pistes à une console 8-pistes. Comment avez-vous accueilli cette révolution ?

Michael McLane construisait les consoles pour la Motown. Un jour, il a débarqué avec un 8-pistes à Hitsville. Les pièces venaient d’Allemagne, comme les Neumann que nous utilisions. Ca avait bien pris six mois pour récupérer tous les éléments de la console. huit pistes, c’était phénoménal, même si cela fait figure de dinosaure aujourd’hui ! Ensuite, on est passé à 16-pistes. On était dans l’espace, prêts à atterrir sur Mars !

 

Comment ont réagi les Funk Brothers, le groupe-maison de la Motown, devant ces avancées techniques ?

James Jamerson a abandonné sa contrebasse pour une basse Fender Jazzman. Je lui ai dit que je ne voulais pas de cette merde dans mon studio, mais j’ai changé d’avis dès que je l’ai entendu en jouer ! Les choses étaient aussi plus pratiques pendant l’enregistrement. On perdait souvent des éléments avec la contrebasse. James se branchait directement sur la console avec sa Fender, on distinguait enfin tout : le mid-range, le bottom, les aigus. Souvent, je lui dictais les lignes de basse au piano, mais il les rejouait en ajoutant des accents, des ghost notes. A la batterie, Benny Benjamin ajoutait des kicks rapides qu’il glissait dans les espaces laissés par James. On n’enregistrait jamais si Jamerson, Benny Benjamin, Robert White, Joe Messina, Eddie Willis Earl Van Dyke ou Joe Hunter n’étaient pas réunis. Ils constituaient le noyau dur des enregistrements de Holland/Dozier/Holland. Les Funk Brothers n’étaient pas seulement un groupe phénoménal, ils étaient aussi un groupe de studio phénoménal. Les nouvelles générations de musiciens ont l’air d’ignorer qu’être bon sur scène ne veut pas dire que tu es forcément aussi bon en studio. Chaque mouvement, chaque inflexion, chaque nuance doit être réfléchie et travaillée en amont.

 

Pourquoi avez-vous décidé de quitter Brian et Eddie Holland à la fin des années 1960 ?

Notre collaboration s’est achevée en 1968. J’ai décidé de voler de mes propres ailes en fondant le label Invictus (Parliament, Chairmen of the Board, Freda Payne, ndr…). J’ai sorti plusieurs albums solo, et j’ai enregistré “Going Back to my Roots” en 1977, qui a été un tube disco avec la version d’Odyssey dans le monde entier, surtout en Afrique du Sud ou elle est devenue une sorte d’hymne. (Il chante) « Zipping up my boots/Goin’ back to my roots… ». Joe Sample joue sur la version originale, qui dure 11 minutes. Une session extraordinaire, historique.  Ce morceau est à l’origine de la house-music en Europe. Le gimmick de piano a été copié puis accéléré par des DJs.

 

Pensez-vous qu’une nouvelle Motown pourrait exister ?

Cette ère est révolue. Les jeunes musiciens ne font plus de recherche sur l’histoire de la musique, et ils ne réfléchissent pas non plus à la manière dont elle affecte le public. Quand on écrivait des chansons, nous cherchions à provoquer des sentiments chez l’auditeur. Nous voulions les stimuler avec des rythmes contagieux et des textes dans lesquels ils pouvaient s’identifier. Notre travail était psychologique avant tout.

 

Propos recueillis par Christophe Geudin

 

 

 

 


Lenny Kravitz, Lamont Dozier, Jeff Beck et Ledisi sur le nouvel album de Trombone Shorty


For True, le nouvel album de Trombone Shorty, paraîtra le 29 septembre chez Verve Forecast/Universal Jazz. Lenny Kravitz, Jeff Beck, Lamont Dozier, Ivan et Cyril Neville, Ledisi, Warren Haynes et Kid Rock sont venus prêter main forte au souffleur de La Nouvelle-Orléans révélé en 2010 avec l’épatant Backatown. PS : Trombone Shorty sera en concert à La Maroquinerie de Paris le 29 septembre !

Le communiqué officiel d’Universal :

Depuis la sortie de leur premier album Backatown — 2010, une nomination Grammy® — Trombone Shorty & Orleans Avenue [TSOA] ont mûri de manière spectaculaire avec des concerts dans le monde entier qui ont rallié des hordes de fans à leur cause… Leur nouvel album For True fournit une preuve substantielle de cette croissance explosive grâce à l’évolution du son qui est leur signature, et que Troy “Trombone Shorty” Andrews qualifie de “Supafunkrock”.

“Les gens étaient excités partout,” dit Andrews, en parlant des tournées et du rôle que cette expérience joue dans l’album For True. “En dix-huit mois on a fait plus de 200 concerts, et chaque soir on a laissé la musique nous emmener jusqu’à la limite. Chaque membre du groupe se perfectionne sur son instrument; on a atteint un autre niveau, et ça nous avait donné envie de retourner en studio, voir ce que ça donne maintenant. Dans la création et dans la musique, on avait envie de tenter autre chose.” En France, Trombone Shorty a tout récemment enflammé les festivals d’été, que ce soit à Nice, Vienne, ou encore Marseille pour le festival de Jazz des cinq continents.

Le groupe — Mike Ballard (basse), Pete Murano (guitare), Joey Peebles (batterie), Dwayne Williams (percussions), Dan Oestreicher (saxophone baryton), Tim McFatter (saxophone ténor) — brasse du jazz nouvel-orléanais traditionnel avec un funk/soul arrosé d’accords rock puissants et de rythmes hip-hop, et ensuite on a rajouté quelques nouveaux ingrédients épicés: l’album For True pousse ce brassage plus loin vers un territoire musical tout neuf.

Andrews écrit ou coécrit les 14 titres du nouvel album, dont une collaboration avec le légendaire Lamont Dozier pour “Encore,” et cette fois on entend la trompette de Troy autant que son trombone, sans oublier l’orgue, batterie, claviers, basse-synthé et autres percussions… Et il assure tous les instruments sur “Unc.”, un titre latin qui tangue. Il est également devenu chanteur à part entière, faisant honneur à la tradition des grands “soul men” des années 60/70. Comme son prédécesseur, ce nouvel album se branche sur une rare combinaison de virtuosité et d’énergie intense.

Les musiciens ont pris soin de remuer tous les ingrédients pour les intégrer dans cette recette, plutôt que de tenter de les dominer, ce qui en dit long sur le son puissant obtenu ici par Trombone Shorty & Orleans Avenue. Parmi les invités spéciaux: Ivan et Cyril Neville (“Nervis” porte leur signature caractéristique); Ben Ellman de Galactic, qui reprend son rôle de directeur artistique déjà exercé sur Backatown (ses percussions dans “Buckjump,” son harmonica dans “Big 12”) et Stanton Moore (sa batterie dans “Lagniappe Part 1” et “Part 2”); le rappeur bounce 5th Ward Weebie et le groupe Rebirth Brass Band (qui font équipe sur “Buckjump”) et Charles Smith, un ami de Troy depuis toujours, qui ajoute ses percussions sur ce même “Buckjump”).

C’est un album qui porte les fruits de quelques collaborations plus récentes: Lenny Kravitz (qui est bassiste sur “Roses”), est celui qui connaît Troy depuis le plus longtemps, car il l’avait découvert en 2005 — Troy l’adolescent-prodige — avant de l’emmener en tournée avec lui. Kravitz dit de lui que, “C’est un joueur de génie. Sa personnalité déborde de partout, il se tue à la tâche en jouant, et c’est un bel être humain.” Kid Rock (qui contribue sa voix à “Mrs. Orleans”) est venu voir TSOA lors d’un concert en plein air début 2011, et un mois plus tard Troy avait rejoint la star sur scène à Jazz Fest. Andrews avait joué avec Warren Haynes (son solo explosif chauffe le titre “Encore” de quelques degrés supplémentaires) au concert de bienfaisance annuel de ce dernier, et ensuite pendant le show “all-stars” du guitariste pendant le Jazz Fest cette année. Ledisi (qui chante sur “Then There Was You”), avait rencontré Troy pendant la cérémonie des Grammy en 2010 et elle est venue le voir plus tard à la Nouvelle-Orléans, avant de participer à “Red Hot + New Orleans”, qui a eu lieu à la Brooklyn Academy of Music (avec Andrews en Directeur Musical pour l’occasion).

L’association entre Troy et Jeff Beck (cf. son solo époustouflant sur “Do to Me”) s’est épanouie depuis que la célébrissime “guitare-légende” lui ait rendu visite pour voir son show au club Tipitina’s en 2010. “J’étais sur les fesses,” fut le commentaire de Beck dans le magazine Mojo, “le public est devenu dingue. Troy et son groupe viennent de faire quelques premières parties pour moi durant ma tournée anglaise; ce sont des musiciens sensationnels. Et Trombone Shorty est un type à surveiller.” Résultat: Beck a demandé à Troy de jouer sur son album “Rock ’N’ Roll Party Honoring Les Paul,” et TSOA a rejoint Beck pendant sa tournée anglaise en automne dernier. Ils se retrouveront le 24 septembre 2011 lorsque Jeff Beck et TSOA feront un concert de bienfaisance pour le Prince Albert de Monaco.

Tracklisting

1. Buckjump (Feat. Rebirth Brass Band – Horns; 5th Ward Weebie – Vocals; Ben Ellman & Charlie Smith – Percussion)

2. Encore (Feat. Warren Haynes – Guitar; co-write w/Lamont Dozier)

3. For True

4. Do to Me (Feat. Jeff Beck – Guitar)

5. Lagniappe Part 1 (Feat. Stanton Moore – Drums)

6. The Craziest Thing

7. Dumaine St.

8. Mrs. Orleans (Feat. Kid Rock – Vocals; Robert Mercurio – Bass)

9. Nervis (Feat. Ivan Neville – Vocals and Clavinet; Cyril Neville – Vocals)

10. Roses (Feat. Lenny Kravitz – Bass)

11. Big 12 (Feat. Ben Ellman – Harmonica)

12. Unc

13. Then There Was You (Feat. Ledisi – Vocals)

14. Lagniappe Part 2 (Feat. Stanton Moore – Drums)

 

 

 

 

 

 

 

 


Retour en haut ↑