“C’est avec une grande tristesse que je partage la nouvelle du décès de Betty Davis, une influence musicale aux talents multiples, une rock star, chanteuse, songwriter, arrangeur, mannequin et icône de la mode“, vient d’annoncer Constance Portis, une de ses proches, sur sa page Facebook.
Née Betty Mabry le 6 juillet 1945, la future madame Miles Davis avait découvert la musique par le biais d’un père mélomane également « capable de danser comme Elvis Presley ». Débarquée de sa Caroline natale, Betty Davis exerce la profession de mannequin à New York, où elle rencontre Miles Davis lors d’une soirée au Village Gate en 1967. L’attraction est réciproque, et le couple se marie l’année suivante au mois de septembre. Commentaire de l’épouse : « Je suis allée chez lui, j’ai sonné à sa porte, j’ai chassé la pauvre fille qui était là et je l’ai épousé ! ». En 1968, après voir( signé quelques singles confidentiels, Betty Davis effectue ses débuts discographiques d’envergure non pas sur les sillons d’un 33-tours, mais en apparaissant sur la pochette des Filles de Kilimandjaro, l’album de Miles Davis qui contient par ailleurs un instrumental intitulé « Mademoiselle Mabry ». A l’époque, Miles commence à changer. Sous l’influence de Betty, « L’homme à la chemise verte » apparaît désormais vêtu de colifichets indiens, de tuniques psychédéliques et de pantalons tie-dye à faire pâlir d’envie Jimi Hendrix. La musique du gaucher cheerokee fait également une grosse impression sur le trompettiste. « Betty a été une grande influence sur ma vie et sur ma musique. Elle était vraiment branchée sur la pop music d’avant-garde. Elle m’a fait découvrir la musique de Jimi Hendrix puis Jimi lui-même », raconte Miles Davis dans son autobiographie, en oubliant d’évoquer sa jalousie maladive à l’encontre du guitariste. Flairant une série d’aventures extraconjugales dont une (plus tard démentie par l’intéressée) entre son épouse « trop jeune et trop dingue » et Hendrix, Miles obtient le divorce en 1969.
Quelques semaines après la séparation, Betty Davis grave quelques titres lors de séances produites par Alan Douglas aux cotés de John McLaughlin, puis s’exile à Londres en 1971. Malgré le soutien de Marc Bolan, Betty Davis ne décroche pas de signature sur un label anglais. Elle retourne les mains vides à San Francisco, où l’attend son nouveau boyfriend Michael Carabello, percussionniste de la première mouture du Santana Band tout juste dissous. Par l’intermédiaire de Carabello, Betty Davis rencontre d’anciens membres de la Family Stone, parmi lesquels le batteur Greg Errico et le bassiste Larry Graham. Les anciens porte-flingues de Sly constituent l’épine dorsale de Betty Davis, un premier album éponyme qui sort en 1973. Propulsée par le slap de Graham et des textes à faire rougir Millie Jackson, Betty Davis susurre aux oreilles de l’auditeur les confessions les plus inavouables : « Anti Love Song », « Steppin In Her I. Miller Shoes » et la mise en bouche “If I’m In Luck I Might Get Picked Up“, qu’on pourrait traduire par « Si j’ai de la chance, je vais me faire embarquer ». Le disque, victime d’un nadir promotionnel, est un flop, tout comme son successeur, They Say I’m Different, qui paraît au printemps 1974. Jugée trop risky par les responsables de son label américain, Betty Davis reprend l’avion pour Londres. Robert Palmer contribue bientôt à une signature chez Island Records, qui aboutira à l’enregistrement de Nasty Gal en 1975, dernier album studio en date de Betty Davis. Indissociable de ses deux efforts précédents, Nasty Gal voit se détacher « F.U.N.K », name-dropping volcanique où se croisent Sly Stone, Jimi Hendrix, Stevie Wonder et les JB’s. Une détonation et puis plus rien.
Recluse et vivant dans la semi-pauvreté dans sa modeste demeure dans la banlieue de Pittsburgh, Betty Davis ressurgit dans l’actualité discographique par le biais des rééditions des albums “perdus“ Is This Love Or Desire ? (2009), The Columbia Years 1968-1969 (2016) puis du documentaire intimiste Betty Davis, la Reine du funk réalisé par Phil Cox en 2018. En compagnie de Danielle Maggio, elle composait dernièrement de nouvelles chansons, sans toutefois évoquer l’envie d’un retour dans la lumière. Victime du cancer, Betty Davis est décédée le 9 février. She was a big freak…
Le documentaire Betty Davis, La Reine du funk :