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Q-Sounds, le label soul du 9-3

Basé à Montreuil (Seine-Saint-Denis), le label Q-Sounds produit en mode 100% analogique des formations soul inspirées par les sonorités sixties, dont The Adelians et le Radek Azul Band. « Sortons les disques qu’on a envie de faire et on verra bien », nous explique Ludovic Bors (aka Norman Smuggler), le cofondateur du label. Rencontre avec les artisans soul du 9-3.

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Funk★ U : Pourriez-vous nous présenter l’équipe de Q-Sounds ?
Ludovic Bors : Il y a moi-même, alias Norman Smuggler, et Chris Thomas. On a fondé le label il y a sept ans maintenant. Christelle Amoussou est l’auteure phare du label, elle écrit les textes et mélodies d’une majorité de nos productions, associée avec moi qui compose et arrange. Il y a aussi au sein du label une équipe de musiciens, chanteurs et chanteuses qui jouent dans les différents projets « maison ». En vrac : P.Eytier, S.Gabai, K.Léroux, F.Pitard, R.Dry, F.Aumaire, R.Boyer, A.Campredon, C.Michel, L.Razniewski, P.Tessoneau, plus d’autres qui collaborent plus ponctuellement… Il y a également des groupes avec lesquels on travaille sur des sorties et des DJs, dont Phil Perfect en particulier.

Comment est né le label ?
Chris Thomas a fondé en 1999 le label de deep-house Qalomota. On s’est connu juste après et on a collaboré au sein de ce label. On écoute de la soul depuis toujours, de par notre passé commun dans le hip-hop et la house. Pendant quelques années, j’ai passé beaucoup de temps à produire sur machines en studio. Naturellement, en tant qu’instrumentiste, j’avais aussi envie de retrouver la scène et le plaisir de jouer en public. Et si tu ajoutes à ça notre passion pour les vinyles… On a décidé de franchir le pas et de créer Q-Sounds. Le « Q » de Q-Sounds provient de Qalomota. Au départ, on s’est dit : « Sortons les disques qu’on a envie de faire et on verra bien ». On a commencé à s’entourer de gens dans le même état d’esprit que nous, animés par la même volonté de créer et défendre quelque chose d’inédit en France : un label de soul qui serait le point d’ancrage d’une scène locale.

Ludovic Bors aka Norman Smuggler_by Odrey Knight

Ludovic Bors aka Norman Smuggler (photo : Odrey Knight)

Pourquoi avoir choisi la soul des années 1960 comme couleur musicale principale ?
J’aime la soul sous toutes ses formes, qu’elle soit 90’s et très R&B ou 80’s et très boogie, voire pré-house. Mais la soul des années 1960 a pour moi une dimension spéciale car elle contient en germe toutes ses évolutions futures et possède une immédiateté qui exerce sur moi, en tant que compositeur, un grand pouvoir de fascination. La soul des années 1960 garde l’énergie rock’n’roll de ses racines. C’est une musique hédoniste dans ses fondements qui même si elle est traversée, comme toutes les musiques en tous temps, par les inquiétudes et les questions sociétales de l’époque, possède la capacité de rendre les gens heureux et les faire communier dans la danse et l’émotion. Dans la soul des années 1960 et même d’une bonne partie des années 1970, le live tient une place particulière, c’est le lieu où s’exprime l’incroyable énergie scénique que possède cette musique. La soul de cette période n’est pas encore policée par l’industrie encore en pleine explosion et la pression médiatique, elle est sauvage et sophistiquée, sage et provocatrice, profondément foisonnante, souvent surprenante et toujours irréductible à une approche simpliste.

La soul garde encore à cette époque une dimension artisanale. À coté des grands studios et des grands labels, tu peux trouver de magnifiques réussites issues de groupes obscurs constitués d’amateurs passionnés. L’érudit et le musicien chevronné croisent l’adolescent qui n’a pour lui qu’un an de guitare et toute son énergie. Le son sophistiqué d’Atlantic se confronte à celui de studios sans moyens… Bref, c’est une période incroyable, pour moi l’équivalent musical de la Renaissance Italienne concentrée sur 20 ans où créativité, compétition, business et passion se conjuguent pour donner vie à un corpus d’œuvres sans équivalent depuis, tant en quantité qu’en diversité et en intensité dans tous les genres. Ce sont tous ces aspects qui la rendent si attirante.

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The Adelians (photo : Odrey Knight)

Pouvez-vous nous présenter les groupes du label ? Quelles sont vos dernière sorties ?
Les groupes maisons actuellement en activité dans le label sont The Adelians et Radek Azul Band qui accompagne la chanteuse Rebecca Dry. Radek Azul Band est le premier groupe du label, celui qui a joué derrière des chanteuses comme Carmen Randria ou Chyna Blue. Le groupe sortira un nouvel album en 2017 avec Rebecca Dry, le deuxième avec cette chanteuse.

The Adelians est le projet le plus actif en ce moment. Le groupe développe un répertoire Northern Soul en anglais et français très énergique et uptempo. Le groupe est emmené par Florence Pitard, une jeune chanteuse de 21 ans à l’énergie scénique assez incroyable et à la voix puissante qui n’est pas sans rappeler Shirley Ellis ou Barbara Lynn. The Adelians sont d’ailleurs la dernière sortie du label puisqu’ils viennent de réaliser un 45-tours gospel. Une première pour Q-Sounds ! Leur album sort le 24 février prochain. Enfin, on travaille sur de nouveau projets avec de nouveaux chanteurs/chanteuses. Mais c’est trop jeune pour que j’en dise plus, les choses devraient se préciser courant 2017.

Comme c’est le cas de DaptoneRecords, vous réalisez vos enregistrements sur bande analogique. Daptone Records est-il un modèle pour Q-Sounds ?
Oui, bien sur, c’est un modèle et une source d’inspiration. Notre organisation autour d’un groupe de musiciens passionnés par la même musique avec la volonté forte de défendre un projet à long terme est analogue à ce qu’a été Daptone à l’origine. On espère un jour être comme eux : autonomes financièrement, capables de sortir et de produire des artistes viables économiquement, mais ça c’est compliqué et nécessite encore pas mal de travail et une dose de chance.

Logo Q-SoundsEn ce qui concerne l’enregistrement sur bandes, c’est vrai que c’est une méthode que l’on apprécie particulièrement. Le son des bandes est intéressant, surtout lorsque tu enregistres les sections rythmiques. Mais le plus crucial avec la bande et ce pour quoi elle est le plus utile, c’est qu’elle change ta manière de produire. Cet aspect est plus important encore que celui du son. Avec les bandes, tu ne peux pas éditer comme sur un ordinateur, tu ne peux pas garder des millions de prises. Bref, tu es obligé d’aller à l’essentiel, d’avoir un groupe qui joue bien à la base. Pas question de recaler. Les bandes t’obligent à privilégier ce que tu entends sans se demander si c’est parfait. C’est une méthode de travail qui t’oblige à faire des choix et à les assumer. J’adore ça. Je sais aussi que chez Daptone, les enregistrement vont assez vite. J’ai lu une interview récente de James Hunter qui se plaignait qu’on l’obligeait à mettre en boîte ses morceaux en quelques prises ! Je pense que c’est en terme de production que les bandes m’ont le plus appris.

Quelles sont les contraintes rencontrées par un label soul français ?
qs003_5Il y a l’aspect financier. L’argent c’est le nerf de la guerre. Sortir des disques ça coûte cher et les vendre n’est pas facile. C’est très dur de vendre tes disques à des français lorsque tu es français. On est devenu des spécialistes de l’économie de survie. On fait beaucoup de choses nous même (artwork, production, booking…) afin de réduire au maximum les coûts en espérant qu’un disque se rembourse et qu’ainsi on aie assez d’argent pour en sortir un autre. Avec le temps les gens commencent à s’ouvrir à ce qu’on fait, mais le chemin est long ! On espère ainsi pouvoir dépasser l’économie de survie et envisager autre chose de plus confortable !

L’autre contrainte ou frein, c’est qu’en France, la soul n’est pas une musique dominante. La scène soul existante lorsqu’on a commencé était plutôt nu-soul ou post-Prince, donc ancrée dans les années 1980/1990. À part quelqu’un comme Mister Day du coté de Lyon et quelques autres initiative éparses, il n’y avait pas grand chose en France. Notre son ne correspondait pas aux attentes du public soul français. On était globalement « trop violent, trop rock… ». On essaie donc depuis sept ans de fédérer qui veut bien autour d’une soul vivante qui puise ses racines dans les années 1960/1970, sans faire du revival pur et simple. Ces contraintes ou plutôt difficultés sont réelles mais en même temps sont un vrai défi. C’est ce qui rend l’aventure passionnante. On peut dire que globalement monter un label quelque soit le genre, en proposant essentiellement du vinyle, est une entreprise pleine de contraintes et d’obstacles. Il faut être passionné par le sujet et endurant.

Avez-vous l’intention d’étendre votre activité vers d’autres musiques ?
On a déjà une subdivision qui s’appelle « Jeune & Sauvage » sur laquelle on sort des projets « non-soul » qu’on aime bien. Pour ça on fonctionne au coup de coeur. Il y a de la surf music, du psyché complètement barré, du freakbeat, du garage… Si on avait les moyens il y a tellement de disques qu’on aimerait sortir:  du soul-jazz, du free-jazz, de la country bien roots, du blues, du funk bien crasseux, du disco… Mais la soul reste le coeur de ce qu’on fait, on est loin d’avoir tout dit dans cette voie et j’espère qu’on aura les opportunités pour se faire plaisir et surtout faire plaisir au public !

Propos recueillis par Jacques Trémolin

Q-Sounds (site officiel). The Adelians. Radek Azul Band