Interview

Interview : Maurice White « 28 micros sur scène ! »

En 2007, Funk★U s’entretenait longuement avec Maurice White au sujet d’Interpretations, un album de reprises des classiques d’Earth Wind & Fire repris par, entre autres, Chaka Khan, Meshell Ndgeocello et Mint Condition. Disparu le 4 février à l’âge de 74 ans, le regretté membre fondateur d’Earth Wind & Fire et ancien membre du label Chess revenait sur sa carrière. Morceaux choisis…

★★★★★★★★★★★

 

Funk★U :  Votre carrière démarre à Memphis, tout près des studios Stax.

Maurice White : Je suis né à Memphis, à quelques blocks de McLemore Avenue, c’est-à-dire l’endroit où Jim Stewart et Estelle Axton ont construit leur studio quelques années plus tard. Ce n’est pas mon seul point commun avec Stax : je suis allé au collège puis au lycée avec Booker T. Jones. On a donné nos premiers concerts ensemble dans les clubs de la région de Memphis. On a joué ensemble pendant sept ans.

 

Vous avez ensuite intégré le label Chess Records. Quel souvenir en gardez-vous ?

J’ai quitté Memphis pour Chicago vers 1963. J’ai intégré Chess Records et j’y suis resté pendant quatre ans. J’ai tout appris à Chess. Le label produisait en même temps des albums de soul, de blues et de jazz. Chess était une école formidable, c’est là que j’ai tout appris… J’étais le batteur-maison. On embauchait tous les jours à midi sans savoir ce qu’on allait jouer dans la journée. On pouvait participer à une session de Muddy Waters, ou bien enregistrer avec Howlin’Wolf ou Etta James. Minnie Ripperton était réceptionniste à Chess, puis elle a intégré le team des choristes sous la direction de Charles Stepney. J’ai eu mon coup de chance le jour où je suis parti sur la route avec Ramsey Lewis, qui remportait pas mal de succès à l’époque.

 

Un succès toutefois incomparable avec celui que vous alliez remporter avec Earth Wind & Fire…

Le crossover n’est pas arrivé tout de suite. Il nous a fallu un certain temps pour en arriver là. Avec Earth Wind & Fire, le challenge consistait à explorer de nombreux genres musicaux, que ce soit le jazz, le blues, le rock, la pop, le funk ou la musique ethnique. Cela signifiait aussi qu’il fallait reprendre les songwriters pop pour en faire notre propre musique, notre propre son et ainsi créer notre propre identité. Prenez l’exemple de « Got To Get You Into My Life » : cette chanson a dû être reprise des centaines de fois, mais dès l’intro des cuivres, on sait qu’on est en train d’écouter Earth Wind & Fire.

Le kalimba était un instrument important pour vous. Comment l’avez-vous découvert ?

J’ai découvert le kalimba dans un magasin d’instruments de musiques. J’avais déjà vu plusieurs personnes en jouer. Ça m’intriguait. J’ai rapidement essayé de l’intégrer à la musique d’Earth Wind and Fire. J’ai toujours été un passionné de musique africaine, et il n’a pas été difficile d’adapter le kalimba à l’échelle du funk.

 

Ce qui frappe quand on écoute Gratitude et vos albums live en général, c’est le côté méticuleux des arrangements, comme si vous « produisez » vos propres concerts.

Oui, le studio était très important, mais on peut dire que je produisais aussi les concerts d’Earth Wind & Fire. L’agencement et l’équilibre des instruments était très important dans la mesure où nous étions très nombreux sur scène. Le plus dur, c’était d’ajuster nos voix par rapport aux cuivres. Je me souviens aussi que les ingénieurs du son vivaient de véritables épreuves pendant les soundchecks. Ils devaient parfois régler jusqu’à 28 micros sur scène !

Pensez-vous que le musique d’Earth Wind & Fire aurait sonné différemment si vous aviez bénéficié de la technologie numérique dans les années 1970 ?

Complètement. On aurait perdu en âme et en feeling ce qu’on aurait gagné en clarté.

 

Vous avez participé à de nombreuses tournées avec Parliament/Funkadelic au début des années 1970. Dès 1973, vous apparaissez sur scènes et sur vos pochettes d’albums dans des tenues délirantes. George Clinton vous a-t-il inspiré côté look vestimentaire ?

Je vois ce que vous voulez dire… Nous avons beaucoup tourné ensemble au début des années 1970. Parliament/Funkadelic étaient déjà dingues à l’époque (rires). George Clinton pouvait débarquer sur scène un soir en toge romaine et le lendemain en cuir intégral. Un sacré spectacle ! De nôtre côté, nous étions encore en période de rodage. Les costumes sont venus plus tard. Parliament/Funkadelic étaient en avance sur nous, mais, par la suite, on s’est bien rattrapés (rires).

Propos recueillis par Christophe Geudin. Interview parue dans Funk★U # 17.