Interview

Bernhoft : « Sly Stone a changé ma vie »

De passage à Paris pour un concert intimiste en février dernier, Bernhoft a reçu Funk★U entre deux répétitions. Le soulman norvégien évoque ses influences, la genèse de son dernier opus Islander et son duo avec Jill Scott. Rencontre.

FunkU : Quand avez-vous découvert la soul ?

Bernhoft : Quand j’étais jeune, j’étais à fond dans le hard rock :  Iron Maiden, AC/DC et je jouais dans groupe de rock. Un jour, un membre du groupe m’a fait découvrir Sly & The Family Stone, ça a changé ma vie.

Quels sont les autres artistes qui vont ont influencé ?

En découvrant Sly Stone, je me suis plongé dans la musique des années 60 et 70, de la Nouvelle-Orléans, Stax et bien sûr la Motown. J’ai l’impression que Prince s’est beaucoup inspiré de Sly Stone et du coup, j’ai cherché à savoir ce qui avait inspiré Sly Stone. Je suis donc remonté aux débuts du blues, du gospel et de la musique spirituelle traditionnelle, en quête de la source.

L’avez-vous trouvée ?

Non… Du moins, je pense en avoir trouvé une partie. Selon moi, la source vient du folk des quatre coins du monde, c’est la même tonalité qui a inspirée le folk norvégien, le folk européen ancien, le folk africain, le folk asiatique… Il s’agit d’harmoniques naturelles. Je pense que c’est la source. La source est dans l’espace mec (rires). Au bout d’un moment, je me suis rendu compte que je ne trouverai probablement pas la source mais j’étais content d’avoir effectué ce travail de recherche. Je me suis ensuite plongé dans la pop moderne et j’ai trouvé quelques artistes intéressants comme Little Dragon, un groupe suèdois, les français de C2C, Bon Iver et Feist.

En parlant de Feist, vous avez déclarez que vous aimeriez bien enregistrer un duo avec elle

C’est exact mais vous savez je n’aime pas supplier les gens, si cela se faisait, il faudrait d’abord que nous devenions amis et ensuite, on pourrait envisager de travailler ensemble.

Sur scène, vous chantez, jouez de la guitare, créer des sons et faites du beatbox en même temps. Comment êtes-vous devenu un  homme orchestre ?

C’était une question d’économie. J’avais un groupe de huit musiciens mais après trois concerts, j’étais ruiné… J’ai du tout repenser. C’est comme ça que j’ai eu l’idée de me produire en solo mais au début, je me trouvais ennuyant, tout seul avec ma guitare acoustique… J’ai du pimenter tout ça. L’idée m’est alors venu d’enregistrer des sons, faire des boucles et d’ajouter des choses par-dessus.

Parlons un peu de votre nouvel album Islander. Aviez-vous un concept particulier en tête pour cet album ?

L’idée était d’écrire douze fois « You’ve Got a Friend » (Carole King), douze chansons différentes bien sûr, mais disons que c’est le sentiment que je souhaitais développer dans cet album. J’ai voulu créer une oasis où les gens pourraient se ressourcer pendant une heure.

Pour la production, vous a fait appel à Paul Butler. Pourquoi ce choix ?

J’étais un grand fan de son groupe The Bees et j’avais bien aimé le son de l’album de Michael Kiwanuka (ndr: produit par Butler). Je suis donc allé à sa rencontre sur l’Île de Wight où il vit et travaille. Le courant est tout de suite passé entre nous. On a fini la nuit à parler musique et à se passer des disques, c’était génial.

Qu’a-t-il apporté à votre musique ?

Il a apporté beaucoup de désordre organique. Paul travaille avec beaucoup de magnétophones à bandes et du matériel ancien qui ne fonctionne pas toujours mais quand ça fonctionne, le résultat est fantastique. J’ai également été séduit par sa philosophie : si tu chantes une chanson, c’est l’esprit que tu veux capturer. Si un mot sonne un peu faux, il ne va pas chercher à le corriger, à le pitcher ou à refaire la prise. C’était comme un procédé d’enregistrement dogmatique.

Quel a été la source d’inspiration pour la chanson « Freedom » ?

J’ai grandi dans une société très stricte où on ne me laissait pas porter de chapeau. C’était très étrange. »Freedom » est une sorte de doigt d’honneur à tous ceux qui te disent ce que tu peux et ne peux pas faire. On a mis du temps avant d’accoucher de la version finale. Au départ, je voulais jouer du marimba dessus mais on en avait pas alors on a trouvé ce super son qui s’en rapprochait sur le synthé. Ensuite, nous n’étions pas satisfait de la partie vocale alors on l’a refaite, puis on a refait la ligne de basse et mixé au moins cinq versions différentes avant de trouver la bonne. Je crois que Paul a passé plus de 30 heures dessus, il a failli devenir dingue… Mais au final, c’est l’une de mes chansons préférées de l’album.

Islander renferme également un très joli duo avec Jill Scott. Comment l’avez-vous rencontrée ?

On s’est rencontré il y a trois ans lors du Concert du Prix Nobel qui se tenait à Oslo. Ce soir là, on est devenu ami et fan mutuel. Avec mon claviériste David, on a composé cette chanson en pensant à elle. Jill a accepté de l’enregistrer et je me suis envolé pour les studios Capitol à Los Angeles. Elle a complètement modifié le morceau en ajoutant sa touche personnelle, c’est une vraie artiste.

Bernhoft Islander, nouvel album disponible en CD et digital (Polydor/Universal). En tournée française en novembre 2014, dates disponibles dans notre agenda.