Interview

Maceo Parker « L’idée est d’entretenir la flamme »

Maceo Parker, un fonctionnaire du funk ? On était tentés de le défendre, pleins de souvenirs émus de ses shows à Lille en 2009 et à Enghien en 2011. Pourtant, cette année à Solidays, difficile d’oublier les termes employés par le rédacteur en chef de Funk-U pour qualifier le concert du saxophoniste à Jazz à La Villette fin 2011. Pour cause : Maceo semble servir la même soupe à peine réchauffée à chaque fois. Toujours accompagné de Bruno Speight, Rodney « Skeet » Curtis (Funkadelic) et de ceux qui prêtèrent main forte pour « Funkoverload » et autres « School’s In », le saxophoniste joue encore et toujours les standards de ceux qu’il a fréquenté ou adoré (« Make it Funky », « P-Funk », « Stand By Me », « Pass The Peas »…), sans presque jamais proposer ses propres créations. Musicalement le concert tient bien évidement la route, mais on a du mal à comprendre pourquoi le funk de Maceo s’est aseptisé à ce point. Il aura, bien sûr, le soutien du public, mais on se demande encore s’il n’y a pas chez le souffleur une sorte de timidité triste envers sa propre musique. Nous aurions pu lui demander après le concert, mais la teneur de la discussion fut à l’image de sa prestation : lisse et frustrante. Une discussion à l’image de son show…

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Funk-U : Ça vous surprend de jouer sur un festival « grand public » ?

Maceo Parker : Je ne dirais pas que je suis surpris, je fais ce que je fais depuis longtemps. Ça a été prouvé que les gens aiment ce qu’on fait. On fait la même chose à chaque fois, c’est mon identité, un mélange de jazz, de P-Funk, de George Clinton et de mes chansons, et parfois un peu de Ray Charles. Ça marche bien, on fait ça depuis très longtemps. Je suis très reconnaissant envers le public d’apprécier ce qu’on fait. Il y a longtemps que j’ai décidé de faire ce que fais aujourd’hui, ça me surprend parfois de pouvoir encore le faire, mais j’aime ça.

Pourquoi n’avoir pas fait jouer vos musiciens habituels sur vos deux derniers albums, alors qu’ils tournent encore avec vous ?

Car ce sont des projets spéciaux, avec le WDR Big Band, Soul Classics est la suite logique de mon album autour de Ray Charles (Roots & Grooves). C’était un projet excitant parce que ça m’a permis d’enregistrer du Ray Charles avec un Big Band, comme il le faisait lui même. Il faut que j’enregistre plus d’albums avec mon groupe, je ne sais pas encore comment, mais il faut qu’on le fasse.

 

Maceo+Parker_Paris_2013_2Fred Wesley nous a dit qu’il était heureux que les musiciens de James Brown aient chacun leur projet, pensez-vous la même chose ?

Bien sûr ! C’est une chose que j’ai évoqué il y a longtemps déjà. J’ai mis très longtemps a entamer une carrière solo. J’ai suffisamment remercié James Brown de m’avoir permis de me faire un nom, tout le monde me voulait ensuite. Dans chaque pays, il y a des gens qui imitent James Brown et maintenant des gens qui imitent Maceo. L’idée, c’est d’entretenir la flamme, il y a plein de moyens de le faire. Parfois j’ai l’impression de ne pas assez prononcer son nom, James Brown, parce que je parle beaucoup de Ray Charles. James Brown m’a repéré et m’a aidé dans ma carrière.

Quelle fut la différence entre travailler avec James Brown et avec George Clinton ?

Pour George, la vie n’est rien d’autre qu’une fête, pas besoin d’uniforme. Parfois ses paroles sont comparables à ce qu’on pourrait entendre dans les vestiaires d’une équipe de foot. Georges s’en foutait puisque les gosses entendaient déjà des insanités à l’école et dans la rue. Un jour, un mec arrive et dis à George « Tu sais, j’adore les indiens, est ce que je peux porter une coiffe en plume sur scène ? – C’est cool, vas-y! » Ça n’arrivait pas avec James. On ne pouvais pas dire « J’adore les trains, je veux m’habiller comme un cheminot ? »… Avec James c’étaient les uniformes. Parfois on avait le droit de porter des couleurs différentes. C’était fun de bosser avec George, mais ça avait plus de sens pour moi de travailler avec James.

Quel fut le moment décisif de votre carrière ?

J’étais dehors, un soir. Le ciel était plein d’étoiles et je me suis dit « être un artiste de studio ou avoir mon propre groupe ? Il peut y avoir autant de groupes que d’étoiles dans le ciel. Si je ferme les yeux et que quelqu’un rajoute une étoile dans le ciel, je ne m’en rendrais même pas compte. Un de plus ou un de moins, les choses sont toujours OK. Peut-être que je peux être une de ces étoiles. » Je ne savais pas que j’allais faire ces trucs sur Ray Charles, mais c’était un de mes modèles, je l’écoute depuis que je suis petit. Que sa musique fasse aujourd’hui partie de mon show est une chose qui me surprend. Et maintenant, je tourne partout, des gens appellent leurs enfants Maceo en mon honneur. Il y a même une petite fille qui s’appelle Maceo. Ses parents voulaient donner mon nom à leur enfant quel que soit son sexe, parce qu’il étaient vraiment fans de moi. Je suis très heureux d’avoir intégré le groupe de James Brown, il m’a permis d’évoluer, mais maintenant, il y a plus de gens qui appellent leur enfants Maceo que de gens qui appellent leur enfant James, en hommage à James Brown. Je n’aurais jamais pu l’imaginer.

Propos recueillis par Noé Termine